Suite à l’invalidation en juin 2009 par une cour des Règles de planification (Planning rules) régissant la production des plans d’aménagement des forêts sous juridiction fédérale, le gouvernement américain avait annoncé un changement de direction par la voix de son Secrétaire à l’Agriculture (chronique du 6 janvier 2011). Pour donner suite à cette intention, l’année 2010 fut consacrée à une vaste consultation publique pour établir les nouvelles Règles de planification. Ces dernières ont été publiées le 14 février dernier (les commentaires sont ouverts jusqu’au 16 mai). Comme attendu, les nouveaux mots d’ordre de ce document d’une cinquantaine de pages sont : adaptation, résilience et restauration des écosystèmes forestiers et des bassins versants. Cela pour faire face aux divers stress environnementaux anticipés, les changements climatiques étant en première ligne des stress considérés. Mis sur la sellette lors du jugement de 2009, le concept de filtre brut est retenu comme outil d’aménagement et appliqué de façon à répondre aux critiques émises. En soi, si les changements de mots d’ordre ne sont pas banals, ils étaient attendus. Et si je parle ici de grand virage, c’est avant tout dans la façon pratique que le USDA Forest service souhaite appliquer ses nouveaux mots d’ordre à l’échelle locale.
Hommage à des piliers de civilisations
Cette chronique a été écrite comme contribution au dossier spécial de Gaïa Presse sur l’Année internationale des forêts.
Les forêts comme piliers de civilisations? Un peu fort? Non. En fait, comme je vais le montrer, on pourrait même dire des piliers d’empires.
Les forêts ont joué un rôle bien ingrat dans notre histoire. Tantôt pourvoyeuses de nourriture, tantôt coupées ou brûlées afin de produire des biens de commodité. Mais peut-être que le plus triste est que leur importance historique fut malheureusement oubliée. Dans cette chronique, un peu plus longue qu’à l’accoutumée, je vous invite à redécouvrir une petite partie de cette histoire basée sur deux principales références : Devèze (1965) et Perlin (2005).
Conservation ou exploitation?
C’est une première. Pour cette chronique c’est un évènement à venir qui a suscité mon intérêt. Un évènement qui aura lieu ce soir (jeudi le 3 février) en fait, soit la Chaire publique de l’Aelies (Association des étudiantes et étudiants de Laval inscrits aux études supérieures). Les Chaires publiques sont des séries de conférences sur des grands enjeux de société. Le thème de ce soir : « La forêt québécoise : conservation ou exploitation ? ». Je dois avouer qu’au premier abord j’ai été agacé par le titre qui présente la question forestière québécoise sur la base de cette dichotomie. Mais il y avait quelque chose de plus profond qui m’agaçait. Et c’est là que j’ai pris le temps de lire (relire dans un cas) deux articles qui posaient cette même question mais avec une vision à l’échelle planétaire.
Les bases de l’aménagement forestier : ou comment éviter une autre Commission d’étude
L’intérêt de base de ce blogue est d’apporter une contribution à la réflexion sur l’aménagement forestier au Québec. Mais, qu’est-ce que l’aménagement forestier? Pour avoir une réponse à cette question, je me suis tourné à nouveau vers M. Baskerville. L’article en question Understanding Forest Management (août 1986, The Forestry Chronicle : 339-347) est basé sur une question forestière « simple », à savoir : comment l’aménagement forestier pouvait-il contribuer à la production de matériel brut (raw material) de haute qualité à coût raisonnable dans les forêts canadiennes? C’est un article que je verrais très bien au curriculum d’un étudiant de premier année en aménagement forestier. Malgré sa simplicité et son âge, cet article apporte cependant des éléments de réflexion qui pourraient être très utiles aujourd’hui.
La fin de l’aménagement écosystémique ? Leçons de l’aménagement des forêts nationales américaines
Un des grands principes à la base de l’aménagement écosystémique, soit l’idée de préserver une diversité d’écosystème et d’espèces (principe du filtre brut), est en train de prendre la voie de garage dans la définition des futures règles pour l’aménagement des forêts nationales américaines. Par quoi cela va-t-il être remplacé? Si la discussion est ouverte, les nouveaux mots d’ordre sont : restauration et résilience. En particulier, restauration des écosystèmes dont la dynamique de feu a été altérée et résilience face aux changements climatiques et ses conséquences : épidémies d’insectes plus sévères, sécheresses accrues et autres. Une raison particulière : préserver la qualité de leur eau. Petit retour historique pour comprendre comment le USDA Forest Service en est venu là.
L’Ontario : ancienne et future référence dans l’aménagement de nos forêts publiques?
L’Ontario fut une de nos références dans l’établissement de la Loi sur les Forêts de 1986 qui institua les CAAF (Contrats d’Approvisionnement et d’Aménagement Forestier). Aujourd’hui, tout comme au Québec, cette province est en plein processus de transformation de sa politique d’aménagement des forêts publiques qui verrait la disparition de leurs Permis d’Aménagement Forestier Durable (PAFD, l’équivalent de nos CAAF). Toutefois, contrairement au Québec où le Gouvernement souhaite reprendre en main tout l’aménagement forestier, l’Ontario s’oriente vers l’établissement de Sociétés d’aménagement forestier locales (Local Forest Management Corporations, site officiel du projet), une voie explorée par le Québec avant de rejeter l’idée. Petit état de la situation.
Indonésie P.Q.
La grande mission de ce blogue est de garder les “antennes” ouvertes sur l’actualité forestière de l’extérieur du Québec pour mieux réfléchir à l’aménagement forestier d’ici. Les chroniques récentes que j’ai faites sur les enjeux internationaux des forêts tenaient beaucoup au caractère exceptionnel du dossier de The Economist. Donc, lorsque suite à ces dernières chroniques j’ai reçu un courriel (en français) d’une représentante d’Asia Pulp & Paper me référant à un rapport de Greenspirit Strategic Ltd concernant leurs travaux en Indonésie : 1- j’ai été très surpris et quelque peu flatté (mon blogue s’est rendu loin!), 2- indécis et inquiet : traiter une nouvelle fournie par l’industrie… je pouvais anticiper les tomates virtuelles sur mon blogue! 3- je ne connais pas l’Indonésie et faire des liens avec le Québec risquait d’être chose difficile voire impossible.
J’ai donc commencé par chercher à comprendre le dossier pour voir dans quelle mesure je pouvais “traiter” cette information (d’où un délai plus long pour produire cette chronique…). En résumé : il est question d’une compagnie papetière (Asia Pulp & Paper) accusée par des groupes environnementaux, Greenpeace en particulier, de détruire l’écosystème forestier indonésien qui est essentiellement sous juridiction publique. Remplacez le nom de la compagnie par AbitibiBowater et “indonésien” par “québécois”, et vous êtes en terrain très connu! De fait, la stratégie et les arguments de Greenpeace apparaissent fondamentalement les mêmes quel que soit l’écosystème : des images fortes (des coupes), une espèce animale menacée (le tigre de Sumatra, “notre” caribou des bois), un débat sur le bilan de carbone et une campagne axée sur le boycott par les clients de cette compagnie (pour plus de détails : Pulping the Planet et Empires of Destruction). Donc “oui”, il y avait certainement une chronique à faire et trois éléments sont ressortis du lot, soit : le constat de Greenspirit Strategic Ltd, la réaction d’Asia Pulp & Paper face à cette campagne et une petite réflexion sur notre perception du rôle de l’industrie forestière dans notre histoire. Je vais essayer d’être aussi “synthétique” que possible!
Lire la suite
Forêt publique : sommes-nous de bons propriétaires?
Il y a les articles intéressants et il y a ceux qui sont une coche au-dessus, ceux qui deviennent un « classique » de nos références. Un gros merci à Jacques Gravel (MRNF) de me l’avoir fait découvrir.
Il s’agit de « Management of Publicly Owned Forests« , un article de M. Gordon Baskerville publié dans Forestry Chronicle en juin 1988. Un article qui pose à la fois un regard sur le passé de l’aménagement des forêts publiques au Canada et sur leur futur; un futur dans un contexte où divers gouvernements provinciaux venaient de mettre en place des politiques amenant un plus grand contrôle de l’État dans l’aménagement des forêts publiques. Cette article mériterait d’être (re)lu aujourd’hui par quiconque s’intéresse à la question de l’aménagement de nos forêts publiques. Je vais résumer au mieux.
Tout d’abord, un constat brutal : le « public », en tant que propriétaire des forêts publiques, s’est comporté en propriétaire de taudis (« slum landlords« ). Il a grandement profité des revenus de la forêt sans réinvestir dans cette dernière (l’argent servant à l’éducation, la santé, … de bonnes causes en soi!). En fait, il en arrive au chiffre ahurissant que le public a tiré un profit net de 95% de l’aménagement des forêts.
Malgré toutes les promesses, espoirs et bonnes intentions placés dans les nouvelles lois, M. Baskerville se gardait une réserve quant aux résultats de ces lois car :
1- Une loi, ce sont des mots sur du papier. Les formes qu’elle peut prendre sur le terrain vont être très diversifiées.
2- Pour prendre la pleine mesure de l’effet d’une loi sur une forêt, il faut au moins une révolution (il l’estimait à environ 80 ans).