De l’urgence environnementale de rendre la foresterie socialement acceptable
Dans mon précédent texte, j’ai été très critique de reportages qui m’étaient apparus injustement négatifs envers la foresterie québécoise. Pour autant, de ma longue expérience de suivi de l’actualité forestière, ce n’était là qu’une autre couverture médiatique très négative de l’aménagement des forêts publiques du Québec (note : les médias régionaux sont généralement plus équilibrés que les « nationaux »).
Malgré mon manque de surprise devant le «jugé» médiatique de notre foresterie, une partie de moi reste toujours un peu étonnée face à ces reportages. Il s’avère qu’il y a beaucoup de raisons qui justifieraient une approche médiatique plus balancée. Et c’est là la première motivation de ce texte : présenter des « oubliés » du traitement médiatique de la foresterie québécoise.
J’aurais pu en rester là, mais cela aurait laissé en suspens une question fondamentale : « Pourquoi le traitement médiatique de la foresterie au Québec est-il si imperturbablement négatif? » J’ai donc pris le temps de creuser ce qui, pour moi, apparaît comme la cause « originelle » de toute cette négativité (divulgâcheur : ce n’est pas L’Erreur boréale).
Et comme cette cause a de potentielles conséquences très néfastes pour l’écosystème forestier et sa biodiversité, il y a une urgence à rendre socialement acceptable l’aménagement des forêts publiques. Ce qui m’a amené à compléter ce texte par une proposition en ce sens.
Les oubliettes médiatiques de la foresterie québécoise
Par souci de concision, je me suis limité à quatre « oubliés ».
La révocation des concessions forestières
C’est probablement la décision de politique forestière qui a le plus influencé les 50 dernières années dans l’aménagement des forêts publiques québécoises.
Au début des années 1970, le gouvernement québécois décidait de prendre en main l’aménagement des forêts publiques. Pour cela, il retirait à l’industrie forestière cette responsabilité qu’elle assumait depuis environ un siècle. À noter que l’industrie papetière était alors responsable de la grande majorité des superficies sous concessions (la « formule » d’octroi de l’époque).
Quelle était la grande motivation du gouvernement pour s’engager dans une telle rupture avec le passé? On peut, je pense, la résumer par la citation suivante tirée du document gouvernemental « Exposé sur l’administration et la gestion des terres et forêts du Québec » (1965).
[…] Le ministère n’a donc d’autre but que celui de tirer des ressources territoriales et forestières du Québec le maximum d’avantages pour le plus grand bien du plus grand nombre possible de ses habitants.
— Ministère Terres et Forêts (1965), p. 21
Ce projet, qui se voulait progressif pour éviter une transformation trop brutale d’un système centenaire, n’arriva jamais à destination. En 1986, la Loi sur les forêts fut adoptée et laissa à l’industrie la responsabilité de l’aménagement forestier. Toutefois, les concessions étaient officiellement chose du passé, tout comme les « forêts domaniales » qui devaient les remplacer. Le Québec entrait dans l’ère des « aires communes » et des Contrats d’Approvisionnement et d’Aménagement Forestier (CAAF).
Dans tout cela, il faut se surprendre que le gouvernement ait mis autant d’efforts à prendre une décision contraire aux intérêts de l’industrie forestière alors que, selon le discours ambiant, les deux n’auraient jamais fait « qu’un ».
À souligner aussi que la crise causée par L’Erreur boréale devait finalement donner l’opportunité politique au gouvernement d’achever ce qu’il n’avait pu faire dans les années 1970, soit devenir l’aménagiste des forêts publiques (loi adoptée en 2010).
Le Bureau du Forestier en chef (BFEC)
Le BFEC est né en 2005. Pour le contexte, en 2004 la Commission Coulombe venait de conclure à une surexploitation dans les forêts publiques et recommandait une réduction immédiate de 20 % de la possibilité forestière pour les principales essences résineuses. Le BFEC est issu d’une des recommandations de cette Commission.
De mon souvenir, la création du BFEC fit consensus. Tout le monde, y compris l’industrie, voyant d’un bon œil de confier à un organisme gouvernemental indépendant « l’épineux » dossier du calcul des possibilités forestières.
En regard de la mission de cet organisme, il est aujourd’hui difficile de ne pas dire « Mission accomplie », car :
- Les résultats des calculs des possibilités forestières sont présentés quand ils doivent l’être.
- Il y a des consultations publiques.
- De nombreux documents sont publiés pour assurer la transparence du processus.
Aussi, d’un point de vue technique, comme j’ai déjà pu m’en rendre compte il est difficile de prendre le BFEC en faute.
À cela, on peut ajouter que le BFEC a produit deux très bons Bilans quinquennaux de l’aménagement des forêts publiques du Québec.
Tout cela n’a cependant jamais eu d’écho dans les médias nationaux et encore moins dans la population.
Symbole, s’il en faut un, de l’absence complète de considération du BFEC dans le débat forestier, l’an dernier je revenais sur un épisode médiatique où un critique de la foresterie québécoise parlait d’actuelle surexploitation forestière. Une affirmation tellement erronée qu’elle confinait à la grossièreté… Mais qui a été reçue sans contestation par un « grand » média. À aucun moment l’intervieweur n’eut le réflexe de dire : « Mais, vous êtes bien sûr pour la surexploitation, car avec le Forestier en chef…? »
L’interdiction des arrosages chimiques
Qui se souvient de la Stratégie de protection des forêts adoptée par le gouvernement du Québec en 1994? Parmi ses ambitions, on retrouvait :
Atteindre l’objectif d’éliminer les pesticides chimiques (insecticides et phytocides) en forêt en 2001.
— Stratégie protection forêts (1994)
Cette Stratégie eut pour conséquence d’éliminer complètement l’usage de pesticides chimiques dans les forêts publiques du Québec… Ce n’est pas rien comme initiative environnementale!
On peut d’ailleurs en prendre la mesure avec le débat récent qui a suivi des épandages de glyphosate dans les forêts publiques du Nouveau-Brunswick. En plus de la santé humaine, des enjeux de biodiversité sont soulevés. Et le Québec est donné en exemple comme seule juridiction au Canada (et en Amérique du Nord à ma connaissance) où ce type d’épandage est proscrit. À l’échelle internationale, le Vietnam, l’Autriche et le Luxembourg auraient aussi de telles interdictions.
Le Québec est ici à l’avant-garde environnementale dans la protection de la biodiversité de ses forêts publiques. Je n’ai cependant aucun souvenir que cet aspect avant-gardiste de la foresterie québécoise n’ait été mis en valeur par les médias.
La Stratégie de protection a été remplacée par la Stratégie d’aménagement durable des forêts en 2015. L’interdiction d’utiliser des insecticides ou phytocides chimiques dans les forêts publiques du Québec est toujours en vigueur.
La certification forestière
Les programmes de certification forestière se veulent des initiatives non gouvernementales pour rassurer le consommateur quant au fait que le bois qu’il achète provient d’une forêt aménagée sur une base durable.
Parmi les principaux acteurs des programmes de certification, on va retrouver des industriels forestiers, des groupes environnementaux et des communautés autochtones. Ils définissent ensemble les normes d’aménagement forestier auxquelles doivent adhérer les détenteurs de certificats. Les gouvernements n’interviennent en rien dans ces délibérations.
Comme illustré dans la Figure ci-dessous, l’industrie forestière québécoise, responsable de la certification forestière, s’investit dans ce processus volontaire depuis une vingtaine d’années. Sur le site du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFPP), il est précisé que « Le taux de certification des forêts publiques québécoises est parmi les plus élevés au monde » [page consultée le 3 juin 2022].

Tout cela est, en théorie, fort positif. Dans les faits cependant, je n’ai jamais vu un média national reprendre ces statistiques pour poser un regard flatteur sur la foresterie au Québec. De façon générale, la certification forestière n’est en fait jamais mis en évidence dans les débats… sauf si une compagnie perd une certification du Forest Stewardship Council (FSC), mais c’est là une autre réflexion!
Je ne doute pas que la certification soit un avantage pour plusieurs compagnies afin d’être en mesure de vendre leurs produits auprès de certains clients (ex. : gros acheteurs de papier). Toutefois, sous l’angle « acceptabilité sociale de l’aménagement forestier », force est de constater que les retombées de la certification se font attendre.
À la source du problème d’acceptabilité sociale de la foresterie québécoise
Un évènement tiré de l’actualité récente permet de remonter à ce qui m’apparaît comme la source du problème d’acceptabilité sociale dans l’aménagement des forêts publiques du Québec.
« Les sept merveilles du Bas-Saint-Laurent »
Le mois dernier, une campagne de promotion d’aires protégées fut lancée dans le Bas-Saint-Laurent avec pour thème «Les sept merveilles du Bas-Saint-Laurent» (Le Soleil).
Cette campagne est parrainée par la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec) et le Conseil régional de l’environnement du Bas-Saint-Laurent (CREBSL). Elle vise à obtenir le statut d’aires protégées pour quatre territoires le long de rivières ou autour de lacs. Ces aires s’ajouteraient à trois existantes dans cette région. Ci-dessous des extraits de la conférence de presse lors du lancement de la compagne.
«Ces sept territoires-là sont des noyaux de conservation, explique le directeur adjoint du CREBSL. Pourquoi on les protège? Parce qu’ils comblent des carences de biodiversité. (…)
Pour le directeur de l’organisme Territoire d’expériences récréatives des forêts anciennes (TERFA), qui gère la réserve faunique Duchénier, il est important de pouvoir amener des gens afin qu’ils vivent des expériences en nature dans un site protégé, tout en faisant du développement durable. “C’est notre moteur, souligne Maxime Gendron. On ne protège pas pour mettre une cloche de verre. C’est pour sensibiliser les gens et pour qu’ils puissent voir la richesse qu’ils ont entre les mains. L’aire protégée est un moteur qui vient diversifier l’offre touristique avec un sceau de conservation. Voyons nos forêts différemment et ayons accès à leurs richesses.” (…)
Le directeur de la conservation [de la SNAP Québec] rappelle que son organisme travaille depuis vingt ans à la protection d’aires protégées, qui sont des zones où sont exclues des activités industrielles, dont la foresterie, les hydrocarbures, les mines et le développement énergétique. “Les activités récréotouristiques sont permises. On a juste à penser à nos parcs nationaux, où il y a des routes et des infrastructures. Dans les aires protégées, il peut y avoir de la chasse, de la pêche, de la cueillette, de la trappe. Ce sont des leviers économiques régionaux qui peuvent être super importants.” (…)
— Le Soleil, 11 mai 2022 [page consultée le 3 juin 2022]
Donc, en résumé :
- L’objectif de base de ces aires protégées est de préserver la biodiversité.
- Dans les faits toutefois, on parle de projets de développement économique basés sur le tourisme.
- La foresterie est exclue des activités économiques autorisées, mais…
- Tuer des représentants de la biodiversité est considérée comme une activité économique légitime dans ces aires dites « protégées »… pour la biodiversité.
Cette logique argumentaire, qui présente « quelques » incongruités, se retrouve dans plusieurs autres projets d’aires dites « protégées » au Québec (ex. : rivière Péribonka). Et cela nous amène à ce que je juge être « l’essence » du problème d’acceptabilité sociale de la foresterie québécoise, soit la « citification » des forêts. Remontons quelque 50 ans en arrière pour détailler cela.
La « citification » des forêts
Ce concept est décrit par un probable anglicisme tiré du mot « city » (ville). Ce qui est déjà un descriptif en soi!
J’en ai pris connaissance grâce à la retranscription d’une conférence de M. Jacques Paris (professeur, Université de Montréal) lors du congrès annuel de la Corporation des ingénieurs forestiers de 1972 (futur « Ordre »). Incidemment, le congrès était sur le thème : « Les forêts du Québec à l’heure de la contestation sociale ». M. Paris exprimait ainsi l’enjeu de société auquel avaient à faire face les forestiers :
(…) une société est souvent faite de plusieurs cultures, et pour avoir une situation établie, il faut que non seulement les différentes cultures le soient, mais qu’elles aient aussi atteint un stade de coexistence pacifique. Ainsi pendant des décades, nous avons pu voir la société québécoise décrite à partir des cultures urbaine et rurale. Cette dualité n’entraînait pas de conflits majeurs, l’espace et les activités y étaient organisés en fonction de certaines dépendances bien connues et acceptées. (…)
Nous sommes aux prises maintenant avec une telle transformation sociale. Les valeurs, activités et contrôles propres aux citadins ou inspirés par eux sont en mutation; une nouvelle culture citadine émerge et dans le processus de sa formation et de son affirmation, elle affecte, c’est-à-dire tend à réorganiser, tout l’espace national. (…) c’est ce que j’appelle la citification.
— Paris (1972)
Pour illustrer ce qu’exprime M. Paris, la Figure ci-dessous permet de visualiser la croissance exponentielle de la récréation dans les parcs et réserves du Québec à partir de la deuxième moitié des années 1960.

À souligner que la tendance ci-haut se fit aussi sentir dans les concessions forestières qui étaient des territoires publics accessibles à la population.
C’étaient là les débuts de la collision entre deux mondes où les valeurs des citadins ne pouvaient être plus différentes de celles des forestiers. Un conférencier au congrès annuel de la Corporation des ingénieurs forestiers de 1970 devait bien résumer la situation en disant des citadins venant se récréer en forêt :
Ceux-ci s’objectent aux changements intenses et inesthétiques subis par la forêt de même qu’au bruit de la machinerie.
— Weetman (1970)
Un conférencier au congrès de la Corporation de 1971 devait quant à lui noter :
(…) il y a une tendance inquiétante chez les amateurs de loisirs à considérer les loisirs de plein air comme une utilisation des terres forestières qui exclut toute autre utilisation. [Traduction]
— Love (1971)
Et dans ce qui pourrait très bien s’écrire encore aujourd’hui, M. Paris mentionnait que le poids politique du citadin tendait à s’accroître et qu’il savait très bien « utiliser les médias de communication pour politiser un problème » et « générer un mouvement ».
… Force est de constater qu’en 2022 la citification des forêts publiques du Québec se porte très bien ! Elle influence le regard des journalistes sur la foresterie et se traduit par la promotion d’une multitude de « parcs urbains en nature », une appellation qui m’apparaît plus juste que celle « d’aires protégées ». Et dans une optique de citification, il va de soi que l’exclusion de la foresterie est une action positive pour la préservation de la biodiversité. Toutefois…
Une trajectoire écologique inédite
Les populations humaines qui, avant la colonisation européenne, avaient vécu pendant des milliers d’années sur le territoire aujourd’hui appelé « Québec » l’ont fait en étant dans la nature. Elles ont vécu de et par la nature. Elles en étaient partie prenante. Il y avait une coévolution entre les humains et la nature. La citification en cours des forêts québécoises brise complètement ce schéma millénaire.
Avec la citification, d’un côté au retrouve la nature et, de l’autre, l’humain. Dans ce contexte, l’humain ne vit plus de et par la nature. Cette dernière devient en fait un « sanctuaire naturel » à protéger des agressions externes (ex. : foresterie).
Le rapport à la nature change donc complètement avec la citification. Plutôt que d’utiliser et d’aménager les forêts pour répondre à des besoins humains, comme cela fut le cas pendant des milliers d’années, pour beaucoup il est aujourd’hui préférable de les regarder brûler ou être dévorées par la tordeuse des bourgeons de l’épinette (par exemple). Tout cela au nom de la promotion d’une biodiversité la plus naturelle possible. « Naturelle » étant ici synonyme de : « minimum d’influence humaine directe ».
Le problème de fond est que cette vision de la nature n’a rien d’historique. Loin de protéger une quelconque biodiversité représentative d’un idéal naturel, on est plutôt en train de créer des conditions écologiques inédites, soit sans coévolution humain-nature. Et ce, alors que nos forêts vivent des défis non moins inédits depuis plusieurs milliers d’années.
De la nécessité de retrouver notre lien avec la nature (et comment)
Pour un, le réchauffement accéléré du climat, causé par les humains, est destiné à amener les écosystèmes forestiers dans une dynamique d’évolution et de bouleversements différente que celle liée à la variabilité naturelle du climat.
Pour deux, la colonisation européenne n’a pas fait qu’amener de nouveaux types d’humains dans le « Nouveau Monde ». Depuis plus de 400 ans, elle a importé au Québec une toute nouvelle diversité de plantes, insectes, animaux, pathogènes… En plus de transformer la biodiversité, certaines de ces importations peuvent avoir de sérieuses conséquences sur l’écosystème de nos forêts (ex. : effets des vers de terre sur les sols).
Face à ces enjeux, le phénomène de citification des forêts nous amène à « laisser la nature aller ». Pour le bien des forêts et des communautés qui aujourd’hui continuent toujours de vivre de la nature, il est donc essentiel de renverser cette tendance à la création de « cloches à touristes » (à défaut « de verre »). Et pour cela, rendre l’aménagement forestier socialement acceptable devient une nécessité.
La pente est abrupte. Il n’y a pas une solution miracle qui va changer l’opinion publique « urbaine » du jour au lendemain. Mais il y a une carte que le Québec pourrait jouer à court terme, sans transformer toute la politique forestière, et qui a le potentiel de donner un sérieux coup de main : soumettre des plans généraux de toutes les unités d’aménagement au BAPE (Bureau d’audiences publiques sur l’environnement).
Ces plans contiendraient, entre autres, la stratégie des aménagistes (MFFP) vis-à-vis les enjeux sociaux (ex. : villégiature…) et de biodiversité (ex. : caribou) pour les 10 prochaines années avec des scénarios alternatifs tenant compte des risques de feux, des épidémies d’insectes… En bref, une feuille de route pour que les intentions des aménagistes à long terme soient claires.
Comme on parle « d’audiences publiques », tout le monde serait amené à donner son point de vue de façon transparente. Comme on parle « d’environnement », dans les faits c’est le ministre de l’Environnement qui ferait la recommandation sur l’acceptation ou non des différents plans généraux au Conseil des ministres (note : la procédure normale des rapports du BAPE).
Le BAPE étant un organisme reconnu et respecté, il y a là un grand potentiel de faire bouger favorablement l’aiguille de l’acceptabilité sociale en faveur de l’aménagement forestier. Quelque chose qu’aucune des grandes initiatives des dernières décennies n’a réussi à faire. Et, à la clé, de valoriser l’humain en forêt autrement qu’en tant que touriste. Nos écosystèmes forestiers et leur biodiversité ne s’en porteront que mieux.
Point de vue différent et très intéressant. Cependant, j’ai un problème avec vos explications sur les concepts de citification et d’exploitation historique des forêts. Vous semblez comparer l’exploitation forestière moderne avec celle à laquelle s’adonnait les autochtones, ce qui est un brin fallacieux. Il est impossible de comparer ces deux modes d’exploitation vues les différences par rapport aux moyens techniques et aux superficies exploitées. Je suis convaincu que ceux-ci ne fauchaient pas complètement des hectares de forêt avec de la machinerie pesant des tonnes et qui endommagent les sols. De plus, je ne vois pas en quoi la création de parcs ou de réserves naturelles marque une cassure avec la vision historique de la forêt. Ces milieux naturels sont aménagés (je le concède, assez peu, mais tout de même) pour répondre à des besoins humains, qui sont certes bien différent de ceux des humains ayant vécu au Québec avant l’arrivée des Européens. Cependant, le besoin de récolter des tonnes et des tonnes de bois l’est tout autant. Bref, je comprends que de mettre des pans de forêts entiers sous des cloches de verre ne soit pas nécessairement souhaitable, mais il me semble que ce qui brise davantage le schéma millénaire de coévolution entre humains et forêts est l’exploitation industrielle des forêts. Les changements que celle-ci apporte aux forêts sont bien trop rapides et drastiques pour celles-ci puissent s’y adapter et que l’on puisse réellement parler de co-évolution. Il est manifeste que ce qui représente la réelle cassure avec la vision historique des forêts est bien plus de les considérer comme des usines à bois que de les aménager pour des usages récréatifs.
Bonjour M. Bergeron!
L’humain utilise énormément les produits du bois, et ce, sous de nombreuses formes. La demande mondiale est même en croissance. De plus, dans un contexte où l’on a un défi environnemental de diminuer nos émissions de CO2, miser sur un produit renouvelable comme le bois, qui l’emmagasine, apparaît non seulement comme un choix logique, mais aussi très environnemental. Une société basée sur les produits du bois sera plus durable qu’une société basée sur des ressources non renouvelables.
À cet égard, que certains ou certaines puissent voir la forêt comme une usine à bois n’est pas un crime en soi. Mais dans tous les cas, la législation et les règles en place font que ce n’est pas le cas. La forêt, surtout la forêt publique, est aménagée dans l’optique de répondre à une diversité de besoins de la société, pas juste la production de bois.
La grande cassure dont je parle est philosophique. Certes, l’aménagement par le feu que pouvaient faire les humains avant la colonisation européenne répondait à d’autres besoins que la production de bois. Les techniques étaient aussi bien différentes avec la foresterie d’aujourd’hui. Mais la philosophie de base est la même : vivre de et avec la forêt.
Avec la « citification », on ne vit plus de la forêt. On la regarde. Et même plus : on ne veut pas que les gens vivent de la forêt autrement que pour s’y promener sur une base éphémère (tourisme). Donc, oui, il y a aujourd’hui une grande cassure philosophique dans notre relation avec l’écosystème forestier. Beaucoup plus profonde que celle liée aux objectifs et techniques dans l’aménagement des forêts.
… Merci beaucoup d’avoir partagé votre réflexion!