L’étonnant constat de surexploitation des forêts de la commission Coulombe
[…] Là, on surexploite la forêt. […] en 2004, la commission Coulombe a demandé qu’on soustraie 20 % de la récolte parce qu’on surexploitait la forêt.
— M. Henri Jacob, extrait d’entrevue à TVA, le 13 novembre 2020

Comme le thème de cette chronique découle de mon précédent texte, il m’a semblé à propos d’en reprendre un élément clé pour débuter celle-ci.
Dans ma précédente chronique, je m’étais attardé à démontrer que, dans les 10 dernières années, la surexploitation des forêts au Québec n’était pas vraiment un enjeu. Je revenais aussi sur le constat de surexploitation de la commission Coulombe pour faire valoir qu’il n’était pas si clairement énoncé… pour ensuite réaliser, à la suite du commentaire d’un lecteur, que j ‘avais raté un paragraphe du rapport de la Commission où il n’y avait pas de nuances sur ce point!
Sa lecture m’amena toutefois plus de points d’interrogation qu’elle n’aida à éclaircir les choses. Il m’apparut clair que je n’avais pas seulement raté un paragraphe. Un pan complet de la réflexion de la Commission semblait m’avoir échappé. Il me fallait en avoir le cœur net. Et pour faire bonne mesure, je relus les 300 pages du rapport.
Trop de réflexions sont ressorties de cette lecture pour raisonnablement entrer dans un seul texte. Il est donc fort possible que je revienne sur le sujet dans mes prochaines chroniques. Mais pour aujourd’hui, je vais me concentrer à présenter ce qui m’apparaît comme un étonnant constat de surexploitation des forêts par la commission Coulombe.
La commission Coulombe et le rendement soutenu
Historique et principes de base du rendement soutenu
En premier lieu, il convient de présenter le paragraphe dans lequel la commission Coulombe a formalisé son constat de surexploitation.
En conclusion de l’analyse de la quantité, de la qualité et de l’accessibilité de la matière ligneuse, la Commission est d’avis qu’on assiste à une surexploitation ligneuse des forêts du Québec, compte tenu de toutes les autres pressions auxquelles ces forêts sont assujetties, et que cette surexploitation est directement associée au fait que les aménagements sylvicoles, pour une large part, ne sont pas faits de façon adéquate.
— Commission Coulombe, p. 148
Un premier point que vous noterez, à tout le moins pour ceux et celles qui ont des notions en foresterie, est que le constat n’a rien à voir avec le respect (ou non) du rendement soutenu. Pour un forestier, cela peut amener de la confusion! Et encore plus, si vous savez qu’à l’époque de la commission Coulombe le respect du rendement soutenu était inscrit dans la législation forestière (Loi sur les Forêts).

Pour comprendre la portée du rendement soutenu dans le monde forestier, il convient de faire un court retour sur son histoire et celui de la foresterie scientifique. Cette dernière est née au 17e siècle. Par « scientifique », on entend la programmation méthodique de production de bois à certaines fins. À cette époque, la priorité était la production de bois pour la marine.
C’est au 18e siècle, en Prusse (Allemagne aujourd’hui), que le principe du rendement soutenu fut développé comme outil de la foresterie scientifique. C’était là une approche pour obtenir une production de bois en continu pour l’éternité.
Le principe est basé sur la création de forêts dans lesquelles il y a une superficie égale de toutes les classes d’âge. Quand la classe la plus mature est coupée, on en replante une nouvelle immédiatement. Un processus que l’on répète chaque année et, théoriquement, pour l’éternité. Et pour la petite note, car cela ne paraît pas toujours dans l’actualité, la notion de « durabilité » est au cœur même de l’existence de la foresterie 🙂
Ce type de forêts, avec des classes d’âges égales, est appelé « forêt normale » dans le jargon forestier. Mais comme il est rare de rencontrer ce type de structure dans la nature, un aménagement forestier basé sur le rendement soutenu va tendre à « normaliser » les forêts, soit équilibrer le plus possible les classes d’âges.
C’était là un objectif sous-jacent de l’aménagement des forêts publiques à l’époque de la commission Coulombe. La raison étant qu’environ les deux tiers des forêts du Québec étaient alors matures ou surannées (vieilles forêts perdant du volume). On va dans ces cas parler de forêts «anormales par surabondance»… des termes techniques qui seront utiles pour la compréhension de la suite de cette chronique 🙂
L’impasse du rendement soutenu de la commission Coulombe
Si l’on revient au constat de surexploitation de la commission Coulombe, on peut donc être surpris qu’il n’y ait aucune référence à la notion du rendement soutenu. La raison est que, sur cette base, la Commission n’a pas été en mesure de conclure. Cela est bien exprimé par le paragraphe suivant :
Globalement, entre 1998 et 2002, la récolte ligneuse totale au Québec a représenté 74 % de la possibilité calculée alors que la récolte dans le groupe d’essence sapin-épinettes-pin gris-mélèze (SEPM) a représenté 87 % de la possibilité ligneuse calculée. Toutefois, le peu de fiabilité notée dans les résultats obtenus par Sylva [note : le logiciel utilisé à l’époque] ne permet pas de conclure que le simple fait de récolter en deçà des niveaux de possibilité calculés constitue une indication que la forêt du Québec n’est pas surexploitée.
— Commission Coulombe, p. 145
Présenté autrement, la récolte forestière étant bien en deçà des différentes possibilités forestières calculées par Sylva sur la base du rendement soutenu, en théorie, il n’y avait donc pas de soucis de surexploitation. Toutefois, la Commission avait des doutes sur les valeurs mêmes des chiffres obtenus avec Sylva. Les raisons derrière ces doutes seront potentiellement le sujet d’une prochaine chronique. Pour aujourd’hui, je vais me limiter à présenter et analyser les trois arguments qui ont amené la Commission à conclure à la surexploitation des forêts publiques du Québec.
Et si vous vous demandez quel est l’intérêt de cet exercice au-delà de ma curiosité personnelle, il suffit de revenir à la citation d’introduction. Cela fait maintenant près de 20 ans que la foresterie québécoise est littéralement stigmatisée par ce constat de surexploitation. Et à une exception près, je n’ai vu personne en faire une analyse critique. C’est donc une mission parfaite pour La Forêt à Cœur 🙂
Argument « quantité »
La «quantité» fait référence à l’évolution des volumes de bois marchand sur pied entre les deuxièmes (1978-1989) et troisièmes (1992-2002) inventaires décennaux. Ce sont là des inventaires de toutes les forêts du Québec en dessous du 52e parallèle (limite nordique) réalisés sous l’égide du gouvernement depuis le début des années 1970. Nous en sommes aujourd’hui au cinquième inventaire décennal. Dans le cadre des travaux de la Commission, le premier inventaire ne put être utilisé pour des raisons méthodologiques.
Il est ressorti de l’analyse de la Commission que les volumes de bois marchand sur pied avaient globalement diminué de 4,1 % entre le deuxième et le troisième décennal. Pour les chiffres bruts, nous étions passés de 2,8 à 2,7 milliards de m3 (p. 98).
Toutefois, les tendances étaient bien différentes entre les essences résineuses et feuillues. Le volume de ces dernières s’était accru de 2,5 % pendant que les premières diminuaient globalement de 7 %. Plus spécifiquement, les essences SEPM (sapin, épinettes, pin gris, mélèze) avaient diminué de 8 % et l’épinette noire de 11 % (note : cette dernière est l’essence d’arbre la plus abondante et la plus recherchée par l’industrie forestière).
Cela amena la Commission à conclure que :
[…] En termes de volume marchand ligneux total, toutes essences confondues, la Commission en vient à la conclusion que, globalement, l’ensemble des facteurs de prélèvement de la matière ligneuse, soit les perturbations naturelles, la sénescence (mortalité naturelle) et les coupes, ont entamé le capital ligneux des forêts du Québec.
Cette conclusion signifie que les façons d’aménager les forêts québécoises n’ont pas généré les rendements ligneux nécessaires pour soutenir les niveaux de récolte actuellement autorisés. Cette situation est attribuable à un ensemble de facteurs, dont la concentration des opérations de récolte dans les meilleurs peuplements et les succès mitigés en termes de rendements ligneux obtenus des travaux sylvicoles, de protection contre les perturbations naturelles et de gestion de la sénescence.
— Commission Coulombe, p. 146
Ce fut à l’évidence un argument fort qui a fait pencher la balance de la Commission vers le constat de surexploitation des forêts publiques du Québec. Mais il y a cependant de très bonnes raisons de penser que l’analyse est fautive.
Tout d’abord, on ne peut pas conclure grand-chose sur la base de l’évolution d’une forêt sur 10-15 ans, encore moins à l’échelle du Québec. Il y a trop de variabilité et de facteurs qui entrent en jeu. Tout au mieux, on peut seulement allumer des « voyants orange ». Pour donner un exemple des échelles temporelles utilisées en foresterie, lorsque l’on cartographie les âges dans une forêt, on le fait par classe de 20 ans. Dix ou quinze ans, c’est vraiment court.
Aussi, plus fondamentalement, la «normalisation» des forêts qui était en cours par le biais de l’application du rendement soutenu rendait tout à fait logique une baisse temporaire du volume de bois marchand sur pied. Et la meilleure personne pour juger ce point est «l’idéateur» de la Loi sur les Forêts, soit (feu —) M. Gilbert Paillé.
M. Paillé a occupé de très nombreux postes de direction en foresterie lors de sa longue carrière, dont sous-ministre lors de mise en place de la Loi sur les Forêts. En 2006, il était mandaté par l’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (OIFQ) pour présider un comité d’analyse du rapport du Forestier en chef sur la possibilité forestière 2008-2013. Ce poste avait été créé en 2005 à la suite de la commission Coulombe. Le comité était complété par quatre autres ingénieurs forestiers.
Au cours de son analyse, ce comité revint sur certains constats de la commission Coulombe et en particulier son utilisation de l’évolution des volumes de bois marchands pour juger de la surexploitation des forêts. À cet égard, le jugement du comité fut sans appel :
Le Comité considère que le fait de conclure à la surexploitation des forêts sur la base d’une baisse des stocks forestiers est erroné. Un tel indicateur ne peut prendre son sens que dans un contexte de forêt à structure normale, ce qui n’est certainement pas le cas au Québec, qui doit composer surtout avec une structure anormale par surabondance de peuplements matures. Durant les périodes précédant la période critique, le prélèvement de la possibilité forestière à rendement soutenu, additionné aux prélèvements naturels, ne peut conduire qu’à une baisse des stocks ligneux. Les écarts de stocks entre deux périodes sont des indicateurs de niveau d’évolution des forêts qui doivent être traités avec précaution.
— Comité Paillé, p. 9
Je précise que ce comité ne rejetait pas complètement les conclusions de la commission Coulombe concernant la surexploitation des forêts. Mais il était plus ciblé et nuancé.
Finalement, j’ajouterai que la grille d’analyse de la commission Coulombe concernant l’évolution du volume de bois marchand relevait plus du principe du « rendement non décroissant » que du rendement soutenu. Ce principe est ainsi défini dans le Dictionnaire de la foresterie : « Rendement d’une forêt en biens et services qui ne décroît pas au cours de périodes successives ». C’est sévère, mais c’est une façon de faire. Le problème, c’est que ce n’était pas l’approche de la Loi sur les Forêts alors en vigueur. Cela biaise donc sérieusement l’analyse.
Arguments « qualité » et « accessibilité »
Ces deux arguments étant très interreliés, ils seront abordés ensemble. Pour ce qui est spécifiquement de la qualité des tiges, l’analyse doit être subdivisée selon les essences résineuses ou feuillues.
Qualité des résineux
Pour les résineux, deux chiffres clés sont ressortis. Tout d’abord, entre 1977 et 2002 le volume moyen des tiges est passé de 170 à 110 dm3, soit une diminution de 35 %. Quant aux diamètres moyens (DHP pour les connaisseurs), ils ont diminué de 19 à 16 cm durant la même période (p. 94).
La Commission citait deux études qui l’amenaient au constat que les résineux devenaient de plus en plus difficiles d’accès. Une première, du ministère, faisant état d’une diminution des volumes moyens dans plusieurs régions du Québec entre les années 1970 et 1990 ainsi qu’une réduction des peuplements résineux de densité élevée. La deuxième étant de l’Observatoire de la foresterie du bas Saint-Laurent qui montrait que dans cette région les volumes récoltés à l’hectare étaient plus élevés que les volumes estimés par Sylva. En constat :
Ces éléments amènent donc la Commission à conclure qu’en ce qui a trait à la forêt résineuse du Québec, on assiste, dans plusieurs régions, à une forme d’écrémage, peuplement par peuplement. Non seulement les volumes marchands sont-ils en baisse, de façon plus ou moins importante selon les essences, mais ils sont aussi de moins en moins accessibles sur le plan économique, en raison de l’éloignement par rapport aux usines, de leur accès difficile ou de leur baisse de qualité.
— Commission Coulombe, p. 147
Qualité des feuillus
Pour les feuillus, les volumes globaux étant à la hausse, c’est exclusivement leur qualité qui posait problème, cette dernière étant même jugée « déplorable » (note : « tiges de qualité » = sans courbes ou défauts dus à des maladies). Un souci était que les industries du sciage et du déroulage, qui misent sur des tiges de qualité, devaient importer 38 % de leurs billes. Cela représentait une augmentation de 322 % depuis 1990.
À souligner que les volumes marchands sur pied du bouleau jaune, l’essence la plus recherchée pour la qualité « déroulage », étaient restés stables entre les deux inventaires décennaux.
Accessibilité
Il n’y a aucune mesure quantitative spécifique de la diminution de l’accessibilité. Cette argumentation est, pour l’essentiel, basée sur les données liées à la qualité des tiges et les volumes moyens par peuplements. Le corolaire étant que si ces derniers avaient diminué, la récolte devenait plus difficile. Aussi, la Commission avait retenu que plusieurs intervenants les avaient informés qu’il était « de plus en plus difficile de trouver au Québec des bois feuillus et des peuplements résineux de qualité. » (p. 148, note : la Commission a tenu plusieurs audiences publiques en plus de recevoir des mémoires)
L’histoire forestière mouvementée de la période 1970-2003
En guise d’analyse critique des arguments « qualité » et « accessibilité », je vais commencer par un petit retour résumé sur les 30 années de l’histoire forestière du Québec qui ont précédé la commission Coulombe.
Au début des années 1970, le gouvernement du Québec décidait de mettre fin aux concessions forestières et de prendre directement en main l’aménagement des forêts publiques du Québec.
Les concessions représentaient alors le mode d’attribution privilégié des bois depuis environ un siècle. Essentiellement, c’était un droit de coupe de 12 mois dans des limites définies. Plus que cela, c’était aussi une forme de tenure. Il n’y avait qu’un seul concessionnaire par territoire. Ces derniers étaient responsables de l’aménagement et des coûts qui y étaient associés (inventaires, planification…).
Ne souhaitant pas tout bouleverser d’un coup, le gouvernement choisit une approche progressive qui finit par aboutir seulement en 1987 avec l’entrée en vigueur de la Loi sur les Forêts. Les concessions étaient abolies et remplacées par des garanties d’approvisionnement. Les industriels restaient les aménagistes, mais se retrouvaient à plusieurs dans des « aires communes » dont ils étaient solidairement co-responsables de l’aménagement.
À noter aussi, quoi qu’anecdotique, que dans les faits une « période de grâce » de trois ans fut donnée aux concessionnaires afin d’assurer la transition harmonieuse à la nouvelle politique forestière. Donc, les dernières concessions forestières n’ont vraiment cessé d’être qu’en 1990! En rappel, la commission Coulombe a tenu ses travaux en 2003-2004.
Finalement, c’est dans cette période de 30 ans que nous avons vu une accélération spectaculaire de la montée vers la limite nordique pour récolter du bois. Dans les années 1970, cette « ruée vers le nord » a particulièrement pris la forme de forêts domaniales qui étaient directement aménagées par le gouvernement (carte ci-haut). Les concessions forestières étaient surtout concentrées en bas du 48e parallèle.
Histoire mouvementée et conséquences sur la planification
Je vous présente ci-dessous une citation tirée du plan décennal de récolte 1946-1956 dans la concession Vermillon de la Consolidated Paper Corporation Ltd (note : citation insérée dans mon mémoire à la commission Coulombe). Cette concession de 3000 km2 était située un peu au sud de La Tuque et à l’ouest de la rivière Saint-Maurice. L’aménagiste posait alors un regard sur une grande superficie de peuplements ayant passé au feu quelque 20 ans plus tôt.
Le bois de cette zone n’atteindra l’âge de 80 ans qu’en 2003, alors que la coupe dans cette classe d’âge devrait commencer en 1986. Un pourcentage assez important du bois de la classe d’âge 21-40 ans est constitué de pins gris. Dans des conditions favorables, le pin gris atteint sa maturité et le point culminant de sa croissance à 70 ans. En profitant de ce facteur, il sera donc possible de commencer à couper le bois de la classe d’âge 21-40 ans en 1993.
— Consolidated Paper Corporation Limited, 1946. [Traduction avec l’aide de DeepL]
Si l’aménagiste pouvait se permettre une vision à aussi long terme, c’est qu’il était dans un contexte qui lui en offrait l’opportunité. Les limites de la concession étaient stables depuis le début des années 1930 (création de la compagnie). Aucun changement notable n’était envisagé dans la politique forestière… C’est là tout le contraire de la situation qu’ont vécu les aménagistes entre les années 1970 et 2000!
Pour autant, l ‘analyse de la « qualité » et de « l’accessibilité » par la Commission s’est faite sur une base de « Toutes choses étant égales par ailleurs». La Commission n’a pas mis dans la balance que les chiffres sur lesquels elle a basé son analyse ont été tirés d’une époque où la structure d’aménagement des forêts du Québec subissait de profonds changements.
Quand vos références spatiales changent régulièrement, il devient impossible de bien connaître sa forêt et d’assurer une bonne planification à long terme. La qualité de l’aménagement forestier va en souffrir. Et c’est sans compter les diverses itérations à la politique forestière…
Il est alors fort possible que les aménagistes aient eu de la difficulté à trouver les « beaux » peuplements. Il est aussi possible qu’ils le coupent s’ils « tombent » sur un! Dans le contexte, des indicateurs de « qualité » et « d’accessibilité » à la baisse ne peuvent pas s’expliquer sur la seule base d’une surexploitation.
Et pour la petite note, en 2008 les aires communes ont été à leur tour abolies pour faire place à de nouvelles délimitations (Unités d’aménagement forestier)…
Beaucoup d’autres choses pourraient être dites ici, mais il est temps de passer au mot de la fin! 🙂
Mot de la fin (ou presque)
… En fait, vous m’excuserez si je rajoute un rapide petit point supplémentaire! Il concerne la formulation même qu’a utilisée la Commission pour décliner son constat de surexploitation. Reprenons un extrait de la citation :
En conclusion de l’analyse de la quantité, de la qualité et de l’accessibilité de la matière ligneuse, la Commission est d’avis qu’on assiste à une surexploitation ligneuse des forêts du Québec […]
— Commission Coulombe, p. 148
« On assiste »… depuis combien de temps? Un an, 5 ans, 20 ans? C’est une précision qui est importante. Ça ne s’interprète pas de la même façon. En mentionnant « on assiste » sans préciser la durée, la Commission a laissé place aux pires interprétations. Et si vous relisez la citation d’introduction, vous constaterez que le pire est arrivé.
Pour vraiment conclure, il m’apparaît assez clair que le constat de surexploitation « tous azimuts » de la commission Coulombe est très contestable. Et le silence « forestier » à ce sujet depuis 2004 est fort surprenant.
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Bonjour Éric,
Je suis bien content de voir que le rapport Coulombe est toujours vivant. Je pourrais en dire bien long sur le sujet mais je retiens de Guy Coulombe qu’il faut aller à l’essentiel.
Comme le diraient les British: La preuve du pudding c’est quand on le mange.
Je vais donc simplement signaler que la possibilité forestière SEPM, unités d’aménagement, a baissé de 26,5 % entre Coulombe et aujourd’hui, ce qui s’avère supérieur à la recommandation de 20%.
À bientôt,
Gérard Szaraz, ing. f.
Bonjour Gérard,
Le « rapport Coulombe » est effectivement très vivant ! Non seulement, de nos jours, on y fait souvent référence, mais il a défini ce qu’est notre foresterie depuis le début du 21e siècle. Sa place dans l’histoire forestière du Québec est indélébile.
Toutefois, quoique moi-même gourmand, je vois plus une analogie avec un tsunami qu’un pudding pour expliquer la place que ce rapport a prise dans la redéfinition de notre foresterie. Et après presque 20 ans de règne sans contestation, le temps me semble à propos de relire Coulombe et se poser des questions que le tsunami de l’époque n’avait pas permis de poser.
Le monde et ses valeurs changent aussi. Il y a aujourd’hui beaucoup moins de superficies disponibles à la récolte qu’il n’y en avait il y a 20 ans. Il y a l’écosystémique. Il y a la certification. Bref, il est normal que les possibilités forestières soient à la baisse sur une perspective de 20 ans. Mais il ne faut pas juger le passé avec les yeux et les valeurs d’aujourd’hui.
Merci du commentaire !
Au plaisir,
Eric
Salut Éric,
Pour ma part le paragraphe qui retient le plus mon attention est le suivant:
»En conclusion de l’analyse de la quantité, de la qualité et de l’accessibilité de la matière ligneuse, la Commission est d’avis qu’on assiste à une surexploitation ligneuse des forêts du Québec, compte tenu de toutes les autres pressions auxquelles ces forêts sont assujetties, et que cette surexploitation est directement associée au fait que les aménagements sylvicoles, pour une large part, ne sont pas faits de façon adéquate »
La vérificatrice générale a dévoilé que 56% des plantations qui ont été réalisé dans les forêts publiques du Québec depuis les 30 à 40 dernières années avait perdu leurs attributs de plantation par manque de suivi. Cette déclaration est appuyée par les propres données du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. C’est une données moyenne pour le Québec mais pour certaines régions se chiffre monte à plus de 70%. C’est pratiquement comme si elle disait que le ministère et par conséquent le gouvernement ont fait faillite dans la gestion de notre forêt publique. Avez-vous seulement une idée de combien de millions de dollars ont été dilapidés par ce laxisme. On pourrait aussi parler de d’autres choix sylvicoles douteux qui sont faits de la part du MFFP concernant la productivité de nos futures forêts. C’est un désastre annoncé. Les investissements consentis pour les travaux de régénérations et d’éducation de peuplement qui constituent le coeur de la productivité forestière des forêts du Québec stagnes depuis des décennies. Pendant ce temps, hormis une baisse immédiatement après le rapport Coulombe, on augmente sans cesse les volumes récoltés dans nos forêts publiques.
En fonction de ces paramètres, la réponse à la question »Est-ce que les forêts publiques du Québec sont surexploité » est sans aucun doute OUI.
Bonjour Michel 🙂
Merci de ton commentaire!
Concernant l’évolution de la possibilité forestière entre 1990 et le quinquennal 2018-2023, je t’invite à consulter un graphique de mon précédent texte.
Le cas du suivi des plantations est effectivement un enjeu alors que l’on s’apprête à investir dans l’intensification de notre foresterie. Il faudrait qu’il y ait une assurance que les suivis seront faits correctement. Sinon, c’est potentiellement beaucoup d’argent qui aura été mal investi. Concernant les rendements cependant, le Bureau du Forestier en chef est bien au fait de la situation. Leurs résultats préliminaires pour la période 2023-2028 devraient être publiés très prochainement. Ce sera une occasion pour poser des questions à ce sujet 🙂
Bonne journée!
Eric Alvarez
Pour ma part, lorsque j’entend les membres de Premières Nations évoqué l’absence de mesures d’harmonisations suffisantes pour convenir de maintenir des forêts nécessaires à la pratique des activités culturelles. Que l’industrie évoque toujours l’argument de la rentabilité pour faire exécuter des pratiques qui honore les principes de la loi. Il apparait très claire qu’il y a une absence d’approvisionnement de bois de qualité et bien situé ainsi qu’un manque de marge de manoeuvre pouvant concilier les enjeux autochtones et ceux des autres utilisateurs. Ce n’est pas un problème de comptabilité technique de quantité de bois mais un problème de structurel tant du MFFP que de l’industrie. Sur papier la forêt est en bon état, sur le terrain les professionnels s’arrachent les cheveux de la tête. Je crois que cette situation va perdurer pendant 20 ans au moins. Le temps que les grands massifs de forêts de qualité soient au rendez-vous de nouveau et encore car les changements climatiques vont bouleverser les prédictions. Ton article échappe l’enjeu écologique, culturel et social que le MFFP refuse d’intégrer dans sa gestion.
Mon texte se veut une analyse critique des arguments invoqués par la Commission Coulombe pour conclure à la surexploitation des forêts. 😌
Merci de votre commentaires!
Eric Alvarez