Chronique un peu spéciale avant une petit pause estivale alors que, plutôt que de traiter d’une actualité spécifique, je vais faire une petite réflexion sur la base de mes vingt chroniques précédentes. Ayant laissé les sujets s’imposer d’eux mêmes, le résultat fut une grande diversité dans les thèmes, unis cependant dans leur capacité à amener une réflexion sur l’aménagement forestier au Québec. Suite à ces vingt chroniques, deux constats m’ont particulièrement marqué, soit la complexité de l’aménagement des forêts publiques et le rôle essentiel mais bien souvent obscur que les forêts ont joué et jouent toujours dans le bien être des sociétés.
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Eric Alvarez
Un monde sans routes (ou presque…)
Lorsque vient le temps d’évaluer les effets de l’aménagement forestier, on s’attarde souvent au seul impact des coupes. Pourtant, si une coupe est un évènement très ponctuel (1 fois/70 ans), les routes qui ont servi à la coupe ont une durée de vie beaucoup plus longue et cela ne va pas sans impacts. À cet égard, citons une diminution de la biodiversité qui s’exprime particulièrement par une baisse de populations animales due à différents facteurs (destruction et fragmentation des habitats, risques de collision, etc.). Cela peut aussi entraîner des problèmes de co-habitation dans des territoires organisés (pourvoiries, ZECs). Et ce n’est là qu’une courte liste. Aux États-Unis, il y a une politique d’aménagement liée aux forêts nationales qui cible spécifiquement les routes, soit la bien nommée Roadless area rule. Pour aujourd’hui, petit survol de cette politique en élaboration depuis 40 ans (et oui, ce n’est jamais simple dans les forêts nationales américaines) sous l’angle particulier du Colorado.
Les Sociétés de « Gestion » Forestière de l’Ontario
Avant les Fêtes, je me posais la question « L’Ontario : ancienne et future référence dans l’aménagement de nos forêts publiques? ». J’avais alors analysé le document de travail produit par le Ministère du Développement du Nord, des Mines et des Forêts (MDNMF) de l’Ontario en vue d’établir des Sociétés locales de gestion forestière (SLGF); des organismes autonomes qui s’occuperaient de mettre en marché le bois en remplacement de l’équivalent de leurs CAAFs (Contrat d’Approvisionnement et d’Aménagement Forestier). Suite à cette chronique, je m’étais alors concentré sur différents dossiers touchant les États-Unis et, entre temps, ce qui était un projet est devenu une Loi en voie d’adoption rapide malgré une opposition croissante. Donc, au menu aujourd’hui : petite mise-à-jour de ce dossier et discussion sur les leçons à tirer pour le Québec dans un contexte où l’idée de la création de Sociétés d’aménagement, proposées en 2008 mais rapidement enterrées, pourrait renaître.
Du rôle des forestiers dans l’aménagement des forêts publiques
Quel est le rôle des forestiers d’aujourd’hui dans l’aménagement des forêts publiques? Grande question me direz-vous! Pour essayer d’y répondre, ou à tout le moins susciter la réflexion, je vais référer à deux articles. Le premier est intitulé The myth of the omnipotent forester et fut publié en 1966 dans le Journal of Forestry sous la plume de M. Behan, alors professeur à l’Université du Montana. Le deuxième fut publié en 2006, dans la même revue, par M. Luckert (Université d’Alberta) et s’intitule Has the myth of the omnipotent forester become the reality of the impotent forester? Une autre façon de dire : « 40 ans après M. Behan, où en sont les forestiers? » Et comme le débat est d’actualité au Québec, l’Ordre des Ingénieurs Forestiers étant en pleine réflexion sur la définition de la profession, cela mérite que l’on s’arrête à l’analyse de ces deux observateurs éclairés.
Oregon : la métamorphose
Faisant suite à la chronique précédente, nous allons poursuivre notre périple dans le nord-ouest des États-Unis, plus précisément en Oregon, un État de 3,8 millions d’habitants où l’industrie du sciage a historiquement occupé une place centrale dans l’économie. Une industrie qui a cependant été secouée par deux chocs majeurs dans les vingt dernières années. Le premier est lié à la précédente chronique, à savoir la diminution drastique de la récolte dans les forêts nationales pour protéger la chouette tachetée, forêts qui représentent 47% de la superficie forestière de l’État. Le deuxième est l’effondrement récent du marché immobilier américain. Un groupe de Presse (East Oregonian Publishing Co.), s’est attardé à monter un dossier sur plusieurs semaines intitulé « The fate of our forests » pour montrer comment le monde forestier de l’Oregon se restructurait suite à ces deux chocs. Je vous invite à me suivre dans ce petit résumé qui, comme toujours, se complètera par une petite réflexion sur les potentiels enseignements à tirer pour le Québec.
De la difficulté de sauver des espèces menacées : la chouette tachetée – prise 2
Dans le grand débat entre protection de la forêt et récolte (emplois), la chouette tachetée (Strix occidentalis caurina) est une espèce emblématique. Associée aux vieilles forêts (old-growth) et désignée espèce menacée le 26 juin 1990, elle a eu une influence majeure sur l’aménagement dans les forêts nationales de la côte ouest américaine alors que la récolte y a diminué de 77% à 86% entre 1994 et 2003. Lors du débat du début des années 1990, j’étais étudiant à la maîtrise et la martre d’Amérique était mon intérêt premier. Et même si le débat sur la chouette tachetée touchait avant tout la côte ouest américaine, l’intensité de ce débat s’était transposé dans nos régions alors qu’un imminent chercheur (Ian Thompson) sur la martre, elle aussi associée alors aux vieilles forêts, s’était posé la question : La martre d’Amérique deviendra-t-elle la chouette tachetée de l’Est canadien? Un article qui avait fait grand bruit! C’était il y a 20 ans… Considérant les efforts consentis pour protéger l’habitat de la chouette, j’étais confiant que sa situation s’était depuis rétablie. Erreur! Les plus récentes estimations font état d’une diminution globale de sa population de 3,7%/an entre 1985 et 2003. Le U.S. Fish and Wildlife Service doit déposer d’ici le 1er juin un plan final de rétablissement de la chouette tachetée (la plus récente version ici). Et le débat #2 qui s’annonce promet d’être plus émotif que le premier.
Forêts nationales américaines : le grand virage
Suite à l’invalidation en juin 2009 par une cour des Règles de planification (Planning rules) régissant la production des plans d’aménagement des forêts sous juridiction fédérale, le gouvernement américain avait annoncé un changement de direction par la voix de son Secrétaire à l’Agriculture (chronique du 6 janvier 2011). Pour donner suite à cette intention, l’année 2010 fut consacrée à une vaste consultation publique pour établir les nouvelles Règles de planification. Ces dernières ont été publiées le 14 février dernier (les commentaires sont ouverts jusqu’au 16 mai). Comme attendu, les nouveaux mots d’ordre de ce document d’une cinquantaine de pages sont : adaptation, résilience et restauration des écosystèmes forestiers et des bassins versants. Cela pour faire face aux divers stress environnementaux anticipés, les changements climatiques étant en première ligne des stress considérés. Mis sur la sellette lors du jugement de 2009, le concept de filtre brut est retenu comme outil d’aménagement et appliqué de façon à répondre aux critiques émises. En soi, si les changements de mots d’ordre ne sont pas banals, ils étaient attendus. Et si je parle ici de grand virage, c’est avant tout dans la façon pratique que le USDA Forest service souhaite appliquer ses nouveaux mots d’ordre à l’échelle locale.
Hommage à des piliers de civilisations
Cette chronique a été écrite comme contribution au dossier spécial de Gaïa Presse sur l’Année internationale des forêts.
Les forêts comme piliers de civilisations? Un peu fort? Non. En fait, comme je vais le montrer, on pourrait même dire des piliers d’empires.
Les forêts ont joué un rôle bien ingrat dans notre histoire. Tantôt pourvoyeuses de nourriture, tantôt coupées ou brûlées afin de produire des biens de commodité. Mais peut-être que le plus triste est que leur importance historique fut malheureusement oubliée. Dans cette chronique, un peu plus longue qu’à l’accoutumée, je vous invite à redécouvrir une petite partie de cette histoire basée sur deux principales références : Devèze (1965) et Perlin (2005).