C’est dans l’espoir qu’elle représente le dernier chapitre d’une longue saga, que le USDA Forest Service a publié le 23 mars dernier la version finale de la Planning rule qui encadrera la production et la révision des plans des différentes Forêts nationales des États-Unis. Comme le mentionne le USDA Forest Service, cette nouvelle version des Planning rules est le fruit de 30 ans d’expérience dans la planification de l’aménagement des Forêts nationales. Je ne reviendrai pas ici sur les détails de cette saga que j’ai déjà eu l’occasion de traiter dans de précédentes chroniques. Je vais plutôt m’attarder sur les points centraux de la Planning rule 2012 ainsi que sur les points qui sont le plus susceptibles d’amener une réflexion sur l’aménagement des forêts publiques québécoises.
Archives pour la catégorie Forêts nationales américaines
Les Apaches à la rescousse des Forêts nationales américaines
En 2011, l’Arizona et le Nouveau-Mexique ont été touchés par d’importants feux de forêt. En Arizona, le Wallow Fire fut le plus important de l’histoire (connue) de cet État et a couvert à lui seul 2 200 km2 (538 000 acres). La particularité de ce feu est qu’il a brûlé presque essentiellement dans la Forêt nationale Apache-Sitgreaves et a été freiné sur son front ouest par les forêts que l’on retrouve dans deux Réserves de tribus Apaches, soit Fort-Apache et San Carlo. Pourtant, le pin ponderosa (Pinus ponderosa) était l’essence dominante tant dans la Forêt nationale que les Réserves apaches. La différence? Contrairement à la Forêt nationale, les territoires Apaches sont intensivement aménagés depuis plusieurs décennies à l’aide, en particulier, de brûlages dirigés. Cela a avivé le débat sur l’aménagement, ou plutôt le non-aménagement des Forêts nationales et a tourné les regards vers l’aménagement forestier des Apaches comme modèle, plusieurs n’hésitant pas à dire que ce sont les Apaches (et leur aménagement des forêts), qui sont venus à bout du Wallow Fire.
Le Colorado, épicentre de débats entre États et pouvoir fédéral pour l’aménagement des Forêts nationales
Depuis l’ouverture de ce blogue, j’ai abordé différents enjeux spécifiques de l’aménagement des Forêts nationales des États-Unis. Aujourd’hui, je vais m’attarder sur un enjeu de fond, soit la lutte de pouvoir entre les États et le pouvoir fédéral pour non seulement l’aménagement de ces forêts, mais aussi leur propriété. Cet enjeu se présente sous deux formes dans l’État du Colorado, un État qui attire actuellement les regards dans l’aménagement des Forêts nationales.
La première forme est liée aux Roadless areas (chronique précédente sur le sujet). Cette politique vise à contrôler la construction de routes et autres chemins d’accès dans les Forêts nationales. L’utilisation du territoire reste permise, mais l’usage est limité à des activités qui s’accommodent de peu ou pas de chemins d’accès. Cette politique a connu son apothéose à la fin du règne du Président Bill Clinton alors que 237 000 km2 (58,5 millions d’acres) furent inclus dans cette politique, soit un peu plus de 30 % de la superficie des Forêts nationales. En plus de faire face à de nombreuses attaques en justice (neuf!), cette politique dû affronter l’administration de George W. Bush qui l’ajusta de façon à permettre aux États de moduler l’application de la politique nationale des Roadless areas à leur échelle. Le Colorado fut un des deux États (second : l’Idaho) à se prévaloir de cette opportunité avant qu’une Cour ne vienne fermer la porte. Contrairement à l’Idaho toutefois, où sa politique sur les Roadless areas a été bien accueillie par les groupes environnementaux, celle du Colorado est très critiquée.
Du processus de sélection des futures Planning rules
Les Forêts nationales américaines représentent 25 % de la superficie des forêts aux États-Unis et sont à 87 % situées dans l’ouest du pays (Alaska compris — Figure 1). Malgré cette apparente situation minoritaire et une répartition géographique ciblée, elles sont le théâtre de passions, car elles sont liées à de grands enjeux environnementaux et socio-économiques. Un nouveau chapitre de l’aménagement de ces forêts est sur le point de s’ouvrir avec la publication d’ici la fin février de la version définitive des Planning rules, soit le document stratégique pour produire et mettre à jour les plans d’aménagement de ces forêts. Mais avant sa publication, un document préalable très important a été publié le 26 janvier dernier, soit le Final Programmatic Environmental Impact Statement (PEIC). Un document technique de 373 pages qui justifie les grandes orientations des futures Planning rules qui vont paraître d’ici 30 jours (délai légal après un PEIC).
Chouette tachetée et rareté de jeunes forêts : ou la vie un peu folle d’un aménagiste en forêt publique
J’ai déjà abordé le cas de l’enjeu de l’habitat de la chouette tachetée à deux reprises, un enjeu associé au maintien des vieilles forêts. Paradoxe des paradoxes, dans le territoire de l’ouest américain couvert par le Northwest Forest Plan (NWFP; 100 000 km2 − 24,5 millions d’acres), qui définit les règles d’aménagement pour les forêts fédérales dans lesquelles se retrouve la chouette tachetée, il s’avère qu’il y a aussi un problème de forêts… jeunes! Ici, on fait référence au stade de développement entre la régénération immédiatement après coupe et le moment où le couvert se ferme. Au Québec, ce stade est communément appelé «St-Michel». Trois projets-pilotes de restauration de l’écosystème ont été développés par messieurs Jerry F. Franklin et K. Norman Johnson, respectivement professeurs à l’University of Washington (School of Forest Resources) et l’Oregon State University (College of Forestry). L’implication de ces deux chercheurs s’avère en fait un clin d’oeil à l’histoire, car vingt ans plus tôt ils avaient contribué à l’établissement du NWFP!
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Chouette tachetée : un Plan pour rien?
Plus tôt cette année, je vous avais présenté la problématique de la sauvegarde de la chouette tachetée (Strix occidentalis caurina). Malgré son statut d’espèce menacée depuis 1990 et une diminution drastique de la récolte dans les forêts nationales, sa situation ne s’était pas améliorée. Globalement, on parlait même d’une diminution annuelle de près de 4 % de la population.
Quatre principales causes de ce déclin ont été recensées. Tout d’abord, la perte historique de son habitat (60 % — 88 % entre 1800 et 1990), la présence (même si réduite) de récolte, les feux et, peut-être la variable la plus critique, la compétition avec une autre chouette : la chouette rayée (barred owl, Strix varia). Un Plan final pour la sauvegarde de la chouette tachetée a été déposé le 30 juin dernier. Un Plan dont plusieurs doutent de l’efficacité, mais surtout, après 20 ans de quasi moratoire dans la récolte forestière dans les forêts nationales, pose plusieurs questions sur les efforts qui devraient être consentis pour sauver cette chouette.
Vingt chroniques plus tard…
Chronique un peu spéciale avant une petit pause estivale alors que, plutôt que de traiter d’une actualité spécifique, je vais faire une petite réflexion sur la base de mes vingt chroniques précédentes. Ayant laissé les sujets s’imposer d’eux mêmes, le résultat fut une grande diversité dans les thèmes, unis cependant dans leur capacité à amener une réflexion sur l’aménagement forestier au Québec. Suite à ces vingt chroniques, deux constats m’ont particulièrement marqué, soit la complexité de l’aménagement des forêts publiques et le rôle essentiel mais bien souvent obscur que les forêts ont joué et jouent toujours dans le bien être des sociétés.
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Un monde sans routes (ou presque…)
Lorsque vient le temps d’évaluer les effets de l’aménagement forestier, on s’attarde souvent au seul impact des coupes. Pourtant, si une coupe est un évènement très ponctuel (1 fois/70 ans), les routes qui ont servi à la coupe ont une durée de vie beaucoup plus longue et cela ne va pas sans impacts. À cet égard, citons une diminution de la biodiversité qui s’exprime particulièrement par une baisse de populations animales due à différents facteurs (destruction et fragmentation des habitats, risques de collision, etc.). Cela peut aussi entraîner des problèmes de co-habitation dans des territoires organisés (pourvoiries, ZECs). Et ce n’est là qu’une courte liste. Aux États-Unis, il y a une politique d’aménagement liée aux forêts nationales qui cible spécifiquement les routes, soit la bien nommée Roadless area rule. Pour aujourd’hui, petit survol de cette politique en élaboration depuis 40 ans (et oui, ce n’est jamais simple dans les forêts nationales américaines) sous l’angle particulier du Colorado.