La Francophonie à l’assaut de RIO+20
RIO+20. C’est le nom abrégé de la 5e Conférence des Nations Unies sur le développement durable qui se tiendra à Rio de Janeiro (Brésil) du 20 au 22 juin 2012. Une Conférence que vous connaissez peut-être mieux sous l’appellation « Sommet de la Terre » et dont les deux grands thèmes seront : l’économie verte comme outil d’éradication de la pauvreté et la création d’un cadre institutionnel pour le développement durable. En vue de cette Conférence, l’Organisation internationale de la Francophonie a mandaté la Chaire en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) de coordonner les efforts pour publier au mois de mai 2012 un livre intitulé Forêts et Humains : une communauté de destins. Un livre et ses messages qu’est venu présenter jeudi dernier M. Claude Villeneuve (Titulaire de la Chaire) lors d’une conférence au Centre de Foresterie des Laurentides. Compte-rendu.
Gros mandat, mais temps limité serait-on tenté de dire. Il y a eu constitution du comité scientifique en août 2011 et la première réunion de ce comité s’est tenue en octobre. Un colloque regroupant les différents collaborateurs a eu lieu le mois dernier à Lyon (France) et le processus de rédaction n’est pas fini même si la publication est dans deux mois! Les personnes intéressées à s’impliquer peuvent d’ailleurs soumettre avant le 10 avril un texte d’au maximum 5000 caractères sur le site internet du projet Forêts et Humains. À noter que vous trouverez aussi sur le site une liste des collaborateurs qui permet de constater la diversité des horizons abordés, dont l’aspect agroforestier.
En lien avec le grand thème de l’économie verte de RIO+20, ce livre fera une grande part à la réflexion sur la qualification et la quantification ($) des services intangibles (culturels, spirituels, écosystémiques) de la forêt sur la base de vingt études de cas. Un des premiers chapitres portera sur la définition de ce qu’est une forêt, un « concept » plus compliqué à définir que ce que l’on pourrait penser a priori! Il sera d’ailleurs question du fait que la définition d’une « forêt » peut en pratique exclure sa dimension « intangible ». Aux dires mêmes de M. Villeneuve, le chapitre le plus important sera toutefois celui sur la gouvernance.
Si M. Villeneuve était avant tout là pour nous présenter le livre, il a profité de l’occasion pour nous rappeler quelques grands enjeux planétaires auxquels font face les forêts. Comme il en était question dans le grand dossier sur les forêts de la revue The Economist, la démographie et les changements climatiques se sont retrouvés dans le peloton de tête des préoccupations. Et lorsqu’il est question de démographie, c’est l’Afrique qui va être le principal sujet de préoccupation dans les prochaines décennies. Non seulement c’est le seul continent qui devrait connaître une croissance ininterrompue de sa population d’ici 2100 (Figure 1), mais c’est aussi, avec l’Amérique du Sud, le continent où il s’est perdu le plus de forêts dans les deux dernières décennies (Figure 2). De très gros défis nous attendent donc pour préserver les forêts africaines!
Et comme M. Villeneuve l’a souligné, la Figure 2 peut être trompeuse. L’accroissement de la superficie forestière dans certaines régions du monde (ex. : Chine) est souvent sous forme de plantations. Ces plantations se qualifient comme des « forêts » selon la définition utilisée par la FAO (Food and Agriculture Organization), mais cette définition ne tient pas compte de leur degré de naturalité. La nécessité d’avoir une définition qui qualifie mieux « l’intangibilité » d’une forêt prend dans ces cas-là une dimension fondamentale.
Un autre enjeu lié à la démographie sur lequel s’est attardé M. Villeneuve fut l’urbanisation. Rappelant tout d’abord que 50 % de la population mondiale est urbanisée et que ce taux va augmenter à 60% d’ici 20 ans, il nous a fait part d’une conséquence de cette tendance : une population de plus en plus déconnectée de la forêt. En pratique précise-t-il, cela amène ce que l’on a vécu suite à L’Erreur boréale ou autres interventions de Greenpeace, soit une grande différence de perception de la forêt entre les gens qui en vivent et « ceux qui regardent la télévision ». S’ajoute à cela une simplification des messages par les médias avec à la clé une diabolisation de l’exploitation forestière.
M. Villeneuve ne nous a pas caché les messages politiques du livre, dont le principal est que l’économie verte doit inverser la tendance des forces qui amènent une diminution des services que les forêts rendent à l’humanité tout en appauvrissant les communautés qui vivent de ces forêts. Un autre des messages a particulièrement fait réagir la salle : selon M. Villeneuve, et contrairement aux documents officiels des Nations Unies (M. Villeneuve n’en revient d’ailleurs pas…), les forêts tropicales ne sont pas les poumons de la Terre! Malgré une question sur le sujet, M. Villeneuve n’a cependant pas beaucoup élaboré dans les détails. Chose sûre : il y a assurément là une grosse bataille en perspective!
D’un point de vue plus large, M. Villeneuve nous a présenté une vision en quatre phases de l’évolution de la relation Hommes — Forêt dans l’Histoire. Une première, qui s’inscrit du Paléolithique (-200 000) à aujourd’hui et qui voit les communautés vivre en symbiose avec la forêt. La seconde, liée à l’agriculture (-10 000 à aujourd’hui), où il y a avant tout une relation de compétition avec la forêt. La troisième, plus récente (-175 à aujourd’hui), est nommée « Âge industriel » et la relation avec la forêt en est une de prédation. Finalement, une potentielle quatrième phase, soit celle de « l’Âge de l’information » qui verrait un retour à l’interdépendance avec la forêt. Dans ce cas, il faut surtout l’interpréter comme un profond souhait, M. Villeneuve ayant ajouté quatre points d’interrogation après « interdépendance »!
Malgré son côté « politique », ce livre promet d’être passionnant pour toute personne s’intéressant aux grands enjeux planétaires liés aux forêts et aux liens Hommes – Forêts. Et il a le grand mérite de nous rappeler la portée des enjeux à la veille d’un nouveau grand rendez-vous planétaire.