Certification forestière : vent en poupe pour le PEFC
Le Sommet de la Terre de Rio en 1992 représente un jalon clé dans l’histoire contemporaine de l’aménagement des forêts. C’est à la suite de cette rencontre que des ONG (Organisations Non-Gouvernementales), insatisfaites des engagements des États pour assurer la durabilité dans l’aménagement des forêts, décidèrent de prendre les choses en main. Ce fut la naissance des programmes de certification forestière. Le FSC (Forest Stewardship Council) est né en 1994 et le PEFC (Programme for the Endorsement of Forest Certification) devait suivre en 1999.
Ce sont là les deux grands programmes de certification forestière à l’échelle internationale. En fait, c’est une nuance à bien comprendre, le PEFC valide des programmes de certification forestière. Le PEFC n’est donc pas « un », mais plusieurs programmes de certification de par le monde. Au Québec, le programme de certification SFI (Sustainable Forestry Initiative) est associé au PEFC.
L’objectif de cette chronique est de faire un bilan statistique de l’état de la situation de la certification forestière. Je m’attarderai tout d’abord à l’échelle internationale avant de détailler la situation canadienne et québécoise. Suite à ce bilan, j’aborderai de petits éléments de prospective sur l’avenir de la certification forestière.
Bilans
Regard international
Comme on peut le noter dans la Figure ci-dessous, en 2015 et 2019, le PEFC avait certifié plus de superficies forestières que le FSC [note : l’année 2015 est la plus ancienne référence pour laquelle des comparatifs étaient disponibles]. La croissance du PEFC entre 2015 et 2019 est aussi plus prononcée que celle du FSC.
En 2015 et 2019, on pouvait retrouver autour de 50 % des superficies certifiées FSC en Europe alors que le PEFC était majoritairement présent en Amérique du Nord. Un point commun entre ces deux grands programmes de certification forestière est qu’ils sont tous les deux très majoritairement présents dans l’hémisphère Nord.
Regard canadien et québécois
La Figure ci-dessous présente l’histoire de la certification forestière au Canada au cours des 20 dernières années. On peut noter la dominance de la certification CSA (Norme canadienne sur l’aménagement forestier durable) dans la première décennie, alors qu’au tournant des années 2010 ce sont les certifications du FSC et de la SFI qui ont pris l’ascendant. Dans les dernières années cependant, c’est cette dernière certification qui s’est démarquée des deux autres.
L’histoire canadienne se transpose en bonne partie au Québec comme on peut le voir dans la cartographie ci-dessous. Une différence étant la disparition totale de la certification CSA après des débuts prometteurs au début des années 2000. Par la suite, ce fut le FSC qui représenta la certification de choix avant de céder sa place à la SFI ces dernières années.
À souligner que les courbes entre le FSC et la SFI se sont éloignées un peu plus depuis 2017. À la fin 2019, le FSC avait 20,9 millions d’hectares forestiers certifiés au Québec contre 30,3 millions d’hectares pour la SFI (Certification Canada).
La double certification
Un phénomène dont fait état la carte ci-dessus est la double certification (couleur brune), soit le cas de forêts à la fois certifiées FSC et SFI. Cela a tellement pris d’ampleur à l’échelle internationale que les équipes du FSC et du PEFC (auquel est affiliée la SFI) ont décidé de collaborer pour mieux mesurer cette tendance.
Selon leur plus récent relevé (janvier 2020), en date de la mi-2019 la double certification était présente dans 33 pays et représentait 18 % des superficies certifiées. Cela correspondait à 525 millions d’hectares de forêts doublement certifiées comparativement à 430 millions d’hectares lorsqu’il était fait abstraction de ce phénomène.
Constats
Le PEFC : première force planétaire de la certification forestière
Un premier constat est que, si les superficies certifiées font foi de la vigueur d’un programme de certification, en ce tournant des années 2020 le PEFC a pris l’ascendant sur le FSC. Et cela est vrai tant à l’échelle internationale, canadienne et québécoise.
Il y a assurément plusieurs éléments d’explications à cette dominance croissante du PEFC. Un point qui me semble central tient dans la nature même des programmes FSC et PEFC.
Le PEFC est « plusieurs », ce qui lui permet de s’adapter à différentes situations. Cette aptitude s’exprime bien aux États-Unis alors que le PEFC est représenté par la SFI et l’ATFS (American Tree Farm System). Ce dernier est un programme de certification forestière créé en 1941 par les propriétaires familiaux (family forest landowners). En 2019, il y avait 7,2 millions d’hectares certifiés ATFS. Pour le comparatif, cela représentait 50 % de la superficie certifiée FSC aux États-Unis selon le plus récent relevé (14,5 millions d’hectares).
Le FSC, même s’il voit à adapter ses critères et indicateurs à des situations locales, reste un seul programme de certification… et il est coûteux. De fait, la procédure et les coûts pour être certifié FSC ont maintes fois été notés comme des limitations à l’échelle de petits propriétaires forestiers. Une réalité, il faut noter, à laquelle le FSC voit à s’adapter depuis quelques années.
Finalement, le phénomène de la double certification à l’échelle internationale (dont au Québec) est en voie de rendre caduc un argument souvent entendu ces dernières années de la part des responsables et partisans du FSC, soit qu’il s’agissait là de la seule certification « sérieuse » ou « crédible » (pour résumer les idées exprimées). Une forêt certifiée PEFC peut à l’évidence être certifiée FSC, et ce partout sur la planète.
L’enjeu de la déforestation
L’autre grand constat de ce survol statistique est la disparité dans la répartition géographique de la certification forestière face à l’enjeu de la déforestation. À l’échelle internationale, la déforestation est l’enjeu forestier #1 (« La situation des forêts du monde 2020 », FAO). Or, les problèmes de déforestation sont avant tout dans l’hémisphère Sud pendant que la certification forestière est surtout populaire au Nord.
La déforestation est un enjeu complexe. Elle est souvent associée à l’agriculture et l’élevage. La certification forestière seule ne pourrait régler ce problème. Pour autant, elle a un rôle à jouer (FAO 2020, p.97) et c’est d’ailleurs pour lutter contre la déforestation que le FSC fut initialement créé.
C’est pourquoi il est un peu désespérant de noter que le champion de l’heure en certification forestière internationale, le PEFC, n’avait à la fin 2019 que 600 000 hectares certifiés en Afrique malgré la grande superficie de forêts tropicales que l’on peut y retrouver. Pour la note positive, c’est tout de même un progrès par rapport à 2015 où la superficie certifiée PEFC en Afrique était simplement égale à 0.
Le Tableau ci-dessous exprime statistiquement l’inéquation de la certification forestière face au problème de la déforestation. J’ai pris comme référence le Brésil, un pays souvent cité lorsqu’il est question de cet enjeu.
En décembre 2019, le Brésil représentait le 6e pays avec le plus de certification FSC. Une « position » honorable s’il s’agissait d’une compétition sportive, mais qui est plutôt décevante lorsque l’on note que la Suède ou la Biélorussie, des pays beaucoup moins étendus, ont plus de superficies forestières certifiées FSC. La performance du FSC est toutefois mieux que celle du PEFC où le Brésil pointait à la 13e place des pays avec le plus de superficies forestières certifiées.
Prospectives
En près d’une trentaine d’années, la certification forestière a connu une spectaculaire croissance internationale. Toutefois, il est facile de constater que sans le Canada, la Russie et les États-Unis, la certification forestière aurait un tout autre visage. Pour vraiment mériter l’étiquette « internationale », les programmes de certification forestière auront dans les années à venir à préciser comment ils influencent positivement des enjeux forestiers internationaux. Dans le cas contraire, leur pertinence pourrait en souffrir.
Finalement, qu’est-ce que cela apporte que l’aménagement d’une forêt soit certifié ? Paradoxalement, c’est peut-être de cette question que viendra la grande menace aux programmes du FSC et du PEFC.
Je suis convaincu que dans l’esprit de la grande majorité des consommateurs qui voient un logo FSC ou PEFC, cela ne veut pas dire grand-chose de précis (même si la présence du logo peut les rassurer). Le concept « d’aménagement forestier durable », au cœur de ces programmes, reste trop général. Et c’est sur l’imprécision de ce qu’apporte concrètement la certification forestière que pourraient agir d’éventuels compétiteurs des programmes actuels.
Pour l’exemple, entre un logo FSC ou « Provenant de forêts sans déforestation », à prix équivalent je soupçonne que le consommateur choisira le produit avec ce dernier logo pour la simple raison que c’est clair et simple à comprendre. Et l’on peut imaginer de nombreux autres cas de certification forestière avec une mission plus précise que « durable ». Dans cette éventualité, si le FSC et le PEFC paraissent aujourd’hui incontournables en Amérique du Nord et en Europe, ils pourraient bien s’avérer n’être que des géants aux pieds d’argile.
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