Monde de la certification forestière : le FSC assailli
Si vous suivez moindrement l’actualité du monde de l’aménagement forestier, il est impossible que vous n’ayez pas entendu parler de certification. Le grand principe de la certification veut que le caractère durable de l’aménagement forestier d’une forêt donnée soit validé par un auditeur externe. Cette validation est basée sur différents critères et indicateurs qui sont établis par des organismes de certification (ces organismes accréditent les auditeurs, ils ne certifient pas directement). Un des plus connus parmi les organismes de certification est le Forest Stewardship Council (FSC).
Développé par des groupes environnementaux dans la foulée du Sommet de la Terre à Rio (1992), le FSC a connu une popularité croissante ces dernières années. Entre 2000 et 2012, les superficies forestières certifiées FSC de par le monde sont passées de 22 millions d’hectares à 151 millions d’hectares. Si le succès est bien réel, la question est à savoir s’il sera durable. Le FSC est en compétition avec d’autres programmes de certification dans ce qui semble se transformer en une bataille « FSC contre le monde ». Aussi, nombre d’observateurs et de professionnels se montrent de plus en plus critiques envers, non seulement la supériorité présumée de ce programme, que vis-à-vis les méthodes agressives de ses partisans (groupes environnementaux) pour le promouvoir.
ForestEthics donne un bon exemple de « méthode agressive » pour promouvoir le FSC qui suscite des réactions négatives. Ce groupe environnemental américain mène actuellement une campagne contre le programme de certification SFI (Sustainable Forestry Initiative) en accusant ce dernier de n’être qu’un programme de « greenbashing ». Intitulée Unsustainable Forestry Initiative, la campagne vise à décourager des compagnies d’acheter des produits du bois avec le logo SFI au profit de FSC… Et ça marche!
Il faut ici savoir que le SFI est un important programme de certification aux États-Unis qui fait aussi sa place au Canada. En date du 30 avril 2011, ce programme revendiquait la certification de 74 millions d’hectares en Amérique du Nord (FSC : 57 millions d’hectares; aussi, à considérer que des territoires forestiers peuvent cumuler les certifications). Ce n’est donc pas pour rien que cette campagne « agace ». Plusieurs professionnels, dont le directeur général (chief executive officer) de la Society of American Foresters (SAF — 14 000 membres), se sont exprimés pour dire que cette campagne était nuisible à l’ensemble du processus de certification et qu’elle pouvait nuire à l’économie locale considérant que la très grande majorité des superficies certifiées FSC sont à l’extérieur des États-Unis (« seulement » 14 millions d’hectares sont certifiés FSC aux États-Unis/151 millions d’hectares, soit 91 % à l’extérieur de ce pays — Rapport FSC mai 2012).
À sa façon, le programme de certification environnementale des immeubles LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) contribue aussi aux frustrations envers le FSC. Le bois n’est pas obligatoire pour cette certification, mais s’il y en a, il doit être certifié FSC. Cette fermeture envers d’autres programmes de certification est dénoncée depuis longtemps tant par des professionnels forestiers que des politiciens. Les critères de LEED sont actuellement en pleine révision, mais malgré les critiques, l’USGBC (U.S. Green Building Council), l’organisme responsable de LEED, maintient toujours que le bois dans les édifices devra être certifié FSC… ou mieux (note : la précédente version spécifiait « FSC pure »; une nouvelle version des critères aurait dû être publiée le 1er mai, mais a été reportée à plus tard ce mois-ci).
Si cela fait naturellement grincer des dents la Présidente du SFI (« qui va juger du ‘mieux’ ? »), elle n’est pas seule à être contrariée. La SAF a aussi exprimé son « découragement » face à cette formulation. Et même le monde politique a commencé à réagir. Le Gouverneur du Maine a signé en décembre dernier un décret à l’effet que toute construction ou rénovation d’immeubles de l’État devra se faire sur la base d’une certification verte (comme LEED) qui accordera un poids égal aux principaux programmes de certification forestière présents aux États-Unis (note: si LEED est le plus connu dans la certification verte des bâtiments, ce n’est pas le seul programme). Conséquence : si LEED ne change pas, il sera de facto exclu des bâtiments officiels du Maine!
Une des belles cartes de vente du FSC est qu’il s’agit d’un programme de certification international alors que, par exemple, le SFI est surtout adapté aux États-Unis. Pour cela, le FSC a développé de grands principes qui doivent être pris en compte internationalement, mais dont l’application fine (critères et indicateurs) peut varier pour tenir compte de la diversité des milieux forestiers de par le monde. Or, ces dernières années, un concurrent est venu jouer dans cette plate-bande, soit le PEFC (Programme for the Endorsement of Forest Certification schemes).
Développé lui aussi dans les années 1990, le PEFC n’est pas tant un programme de certification forestière qu’un programme pour certifier les programmes de certification (désolé pour les répétitions!). Sa logique de base est contraire à celle du FSC. Plutôt que d’établir des principes internationaux adaptés localement, le PEFC valide la valeur de programmes de certification locaux pour leur donner un « passeport » international. Le projet a fait boule de neige ces dernières années au point où, en mars 2012, le PEFC revendiquait le titre de premier programme de certification forestière au monde avec 243 millions d’hectares de forêt certifiée (rappel: FSC = 151 millions d’hectares). Et entre autres programmes qui ont récemment été acceptés, il y a le SFI…
Un autre terrain où jusqu’à récemment le FSC s’estimait assez solide était sa plus grande fiabilité sur les autres programmes pour mesurer la durabilité d’un aménagement forestier. Dans les deux dernières années, Dovetail Partners inc., un groupe de recherche indépendant en environnement, a produit des rapports qui touchent cet aspect. Les constats qu’ils ont tirés de leurs analyses n’ont pas été bien accueillis par les responsables du FSC aux États-Unis. Il est fait état que, si des programmes comme le FSC et SFI présentent toujours de nettes différences dans le détail, dans les dernières années ils se sont beaucoup rapprochés dans leurs fondements. Au point où, si chaque programme a ses forces et faiblesses, aucun ne peut prétendre à une supériorité « absolue ». Et quant au choix d’un programme plutôt qu’un autre, Dovetail Partners inc. conclut que les aménagistes forestiers devraient choisir un programme de certification sur la base de leurs valeurs et de leur contexte (ex. : marchés dans lesquels ils souhaitent vendre leurs produits) plutôt que sur des préjugés.
Références:
Le FSC – seul programme de certification dans LEED?
Amidst charges of greenwashing, Report compares FSC, SFI – ForestEthics: SFI « Misleading »; SFI: ForestEthics peddles « Pulp Fiction » – The Forestry Source – Mai 2011 + Juillet 2011 (pages 2, 6 et 7) pour des commentaires
Commentaires de la Society of Amercian Foresters sur les critères de LEED concernant le matériau bois et, particulièrement, la formulation « FSC or better« .
Forest certification: a small step towards sustainability (petit article sur l’histoire de la certification et les différencs entre FSC et PEFC)
Greenwashing? – Going green (éditorial concernant le « banissement » de LEED au Maine)
LEED’s artificial barriers continue to fail responsible forestry
2011. Differences between the Forest Stewardship Council (FSC) and Sustainable Forestry Initiative (SFI) certification standards for forest management – 15 pages
2010. Forest certification: a status report – 15 pages
FSC – Rapport annuel 2000 et Rapport mensuel mai 2012
PEFC – Rapport mars 2012
SFI – Rapport annuel 2011