Aménagement forestier en Colombie-Britannique : quand le dendroctone met le feu aux poudres!
Je vous avais parlé un peu plus tôt cette année des dommages collatéraux du dendroctone du pin ponderosa. En plus d’avoir tué en Colombie-Britannique l’équivalent pour le Québec de 40 années de récolte, il y avait toute une dimension sociale et écologique associée à la récolte du bois en perdition. Aujourd’hui, le dendroctone est à la base d’une crise politique qui place le gouvernement britanno-colombien sur la défensive dans sa préparation de « l’après-dendroctone ».
La crise a été provoquée par l’apparition dans l’espace public, et à quelques jours d’intervalles, de deux documents gouvernementaux confidentiels sur les diminutions appréhendées de la possibilité forestière dans les Timber Supply Area (TSA – équivalents des Unités d’Aménagement Forestier au Québec) touchées par le dendroctone du pin ponderosa. Il était aussi question des pertes d’emplois anticipées. Mais ce qui a vraiment embarrassé le gouvernement, c’est que les documents faisaient état des mesures envisagées pour atténuer les pertes d’emplois. Et signe des tensions que ce dossier peut provoquer dans l’appareil gouvernemental, si un des documents a été mis en ligne accidentellement sur le site du Ministère des Forêts, Terres et Ressources naturelles, le second a été directement « coulé » aux médias.
À la base, tout le monde était conscient qu’il allait falloir un jour payer pour l’augmentation de la possibilité forestière qui avait été rendue nécessaire pour récolter un maximum de bois tué par le dendroctone avant qu’il ne perde tout intérêt pour le sciage. Dans cette optique, même si les chiffres font peur (pertes de 12 000 des 23 000 emplois dans les années à venir pour les régions touchées par le dendroctone), ils ne sont pas a priori une surprise. Là où tout le monde a été surpris, voire choqué, c’est au niveau des mesures qui étaient sérieusement analysées pour essayer un tant soit peu d’atténuer les difficiles années à venir pour plusieurs régions forestières.
Principalement, il s’agit d’autoriser la récolte dans des zones où elle est aujourd’hui interdite (aires protégées, corridors fauniques…). Aspect politique très explosif, cette solution impliquerait de passer outre aux prérogatives du Forestier en chef de la Province dans l’attribution de la possibilité forestière (ce dernier a démissionné en mars dernier sans que des raisons officielles ne semblent avoir été évoquées). La première ministre a indiqué que les rapports confidentiels diffusés étaient arrivés sous une version différente au Conseil des ministres, mais personne n’a vu cette autre version des rapports.
Non seulement l’idée de récolter dans les aires protégées a créé une « petite » commotion dans le monde forestier et le grand public, mais cette mesure, si elle devait être mise en place, ne réduirait que relativement peu et pour une durée très limitée les pertes d’emploi anticipées. Par exemple, dans un district où il est estimé que plus de 1000 emplois seront perdus, l’ouverture de nouveaux territoires de coupes ne permettrait de conserver que 87 emplois. Pour plusieurs, en regard des risques que la mesure fait courir à la faune et à la biodiversité, il n’y a pas là de quoi justifier un tel risque. L’industrie forestière est elle-même très mal à l’aise, car elle estime que cela nuirait fortement à l’acceptabilité sociale qu’elle a bâtie au fil des années pour la récolte en forêt publique.
Et si le gouvernement n’en avait pas assez sur les bras, il se trouve aussi depuis le début de l’année aux prises avec un problème inédit et dramatique potentiellement lié au dendroctone du pin ponderosa : la destruction de scieries! Bien que le lien entre le dendroctone et les évènements décrits ci-bas ne soit pas officialisé, cela reste la principale piste analysée.
Depuis le début de l’année, deux scieries ont été détruites par des explosions. Et le bilan humain est lourd : quatre morts et de nombreux blessés. La cause probable : la poussière dégagée par le sciage des arbres tués par le dendroctone (c’est là un aspect très technique, mais il s’avère qu’en milieu industriel, la poussière peut être un matériau inflammable; voir articles 1 et 2 pour des détails). Les deux usines qui ont été détruites depuis le début de l’année transformaient beaucoup de ce type d’arbres. La poussière dégagée par ces arbres lors du sciage serait plus fine que la poussière d’arbres verts et c’est ce qui causerait les risques accrus d’explosion. Suite à la « publicité » créée par ces deux explosions, il a été possible d’apprendre qu’il y en avait eu au moins cinq autres dans les années passées, mais sans conséquence et donc sans « publicité ». Pour parer aux dangers d’explosion, des inspections ont été mises en place dans toutes les scieries de la Province.
Une des deux scieries qui a été détruite était à Prince George, une ville où la diversité des transformateurs forestiers permet d’envisager une absorption de cette perte. L’autre usine se trouve à Burns Lake, une petite communauté pour laquelle l’usine représentait le principal employeur. Mais avant de reconstruire l’usine de Burns Lake, le propriétaire demande de solides garanties d’approvisionnement. Or, avec la diminution de la possibilité qui va être occasionnée par le dendroctone, il y a peu de bois de disponible et plusieurs craignent que la reconstruction de cette scierie puisse se faire au détriment d’autres usines. Vous pouvez peut-être alors mieux comprendre (à défaut d’être d’accord…) pourquoi, coincé entre la baisse de possibilité occasionnée par le dendroctone et la nécessité de venir en aide à une communauté comme Burns Lake, le gouvernement de la Colombie-Britannique essaie de trouver du bois partout où il peut, quitte à mettre de côté son Forestier en chef!
Principales références
B.C. considers “option” of over-ruling chief forester to secure timber supply for industry
B.C. plan would open Interior to logging
Confidential report warns pine beetle set to destroy B.C. forestry jobs
Crown lands belong to the public, not government – Comment
Rebirth of Prince George sawmill possible
Sawmill explosions add urgency to B.C. forest crisis
Wood dust linked to at least five mill explosions in B.C.