Le solo de guitare que vous écoutez est-il légal?
Qu’ont en commun Paul McCartney, Jimi Hendrix et Eric Clapton? Réponse : ils ont utilisé des guitares Gibson. Or, le célèbre fabricant de guitares du Tennessee est actuellement au coeur d’un processus judiciaro-politique concernant l’origine du bois de ses guitares. Dans les deux dernières années, ce fabricant s’est fait saisir des guitares et composantes de guitares pour cause de potentielle importation illégale de bois (Madagascar en 2009 et Inde en août 2011). Le fabricant affirme non seulement qu’il n’a rien fait d’illégal (aucune accusation criminelle formelle n’a pour l’instant été déposée), mais il passe même à l’offensive pour faire amender la Loi qui l’a mis en accusation.
La Loi en question est le Lacey Act. C’est en fait une vieille Loi adoptée dans sa première mouture en 1900. « Vieille » mais dont le principe reste toujours d’actualité : elle vise fondamentalement à interdire sur sol américain l’importation illégale de « produits » environnementaux. Dans la première mouture de la Loi, il était surtout question de plantes, de poissons et de faune sauvage. Il faut comprendre que le Lacey Act impose aux importateurs américains de s’assurer que leurs importations respectent toutes les lois des pays d’origine; la responsabilité est donc sur les épaules des commerçants, pas de l’État. Le Lacey Act a eu plusieurs amendements depuis 1900, mais c’est seulement en 2008 qu’il a intégré l’importation illégale des produits du bois.
On peut mieux comprendre la logique du Lacey Act si on s’attarde au cas le plus récemment reproché à Guitare Gibson, soit celui de l’Inde. Ici, techniquement, la faute est d’avoir voulu faire passer du simple sciage pour du placage (« veneer » – une transformation à valeur ajoutée). Il s’avère que l’Inde prohibe l’exportation de bois non ouvré en Inde même. Avec une étiquette « placage », le bois pouvait être exporté. Donc, ce n’est pas tant la coupe qui a été le problème (Guitar Gibson spécifie que le bois fut certifié FSC-Forest Stewardship Council) que les conditions d’exportation.
Pour sa défense Guitar Gibson argumente que la compagnie a obtenu les autorisations des autorités indiennes (et malgaches dans le cas de 2009) pour l’exportation. Aussi, que les agents gouvernementaux du US Fish and Wildlife Service appliquant le Lacey Act se trouvent dans les faits à interpréter une Loi indienne. La compagnie est particulièrement contrariée que l’on punisse une entreprise qui fait travailler des Américains pour transformer le bois pour plutôt favoriser une Loi « protectionniste » en Inde. Sur la technicité de l’affaire, soit l’étiquetage du bois, l’intermédiaire de Guitar Gibson a affirmé que c’était une erreur administrative. Une explication que plusieurs jugent douteuse considérant que c’est le même intermédiaire qui était impliqué lorsque le bois importé de Madagascar en 2009 a été mis « en observation ».
Tant dans le cas malgache que le cas indien, il ne s’agit pas de l’importation de n’importe quel bois, c’est du bois de rose (rosewood – Dalbergia sp.) et d’ébène (Diospyros sp.). Deux bois de très haute qualité et très recherchés, particulièrement par l’industrie de la guitare de luxe qui a là un réel défi d’approvisionnement légal et éthique. Ces bois poussent lentement et sont par le fait même sensibles à l’exploitation non contrôlée. À défaut de pouvoir toujours superviser la récolte, dans plusieurs des pays où ils sont récoltés, ces bois sont carrément interdits d’exportation afin de contrer la coupe illégale. Dans d’autres, comme en Inde, on insiste pour que la transformation à valeur ajoutée profite à la population locale.
Et si ce n’était que des aspects légaux, il y aurait déjà beaucoup à discuter sur le sujet. Or, comme le mentionne un observateur, que Guitare Gibson soit suspectée d’importation illégale de bois, ce n’est pas comme si on parlait d’importation illégale pour faire des sièges de toilette : Guitare Gibson, c’est émotif, c’est une institution américaine. Les Républicains ont sauté sur l’occasion pour citer ce cas comme exemple d’un gouvernement qui cherche à trop en faire (et mal). Une récupération politique qui en a surpris plusieurs, car le Lacey Act a été amendé en 2008 par le biais d’une approche bipartisane; les amendements avaient été présentés par un Démocrate avec l’appui de Républicains et de l’Administration Bush. La démarche avait aussi eu un large appui de différents groupes d’intérêt. Les industriels et manufacturiers de bois feuillus des États-Unis ont soutenu cet amendement, car le bois illégalement coupé était source de compétition déloyale. Des groupes environnementaux avaient aussi appuyé l’amendement.
Politiquement, Guitare Gibson n’est pas restée dans le wagon passager. En plus de faire appel à des lobbyistes pour faire amender le Lacey Act, la compagnie recherche directement l’appui de ses admirateurs comme support politique par le biais d’un concours intitulé « Fight for your right to rock! » (pour les intéressé-es, il est possible de gagner une guitare de près de 4000$).
Cette effervescence politique a commencé à porter fruit en octobre alors que des propositions d’amendements au Lacey Act ont été déposées. L’objectif de ces amendements est de s’assurer que personne ne soit poursuivi pour avoir possédé par inadvertance des produits avec des bois importés illégalement. Une démarche jugée inutile par des opposants à ces amendements, car le Lacey Act vise les réseaux d’importation illégale, pas les individus ou musiciens.
Mais plus fondamentalement, ce qui est recherché par Guitare Gibson, c’est de changer le poids de la responsabilité pour la transférer de l’acheteur au gouvernement. Une idée récemment exprimée dans le Huffington Post par M. Henry Juszkiewicz, le Président de Guitare Gibson : ce serait au gouvernement à définir ce qui est légal ou illégal, l’acheteur se fierait au gouvernement. Concernant les faibles ressources gouvernementales pour mener à bien cette tâche, M. Juszkiewicz suggère que, sur une base volontaire, les compagnies payent le gouvernement pour qu’il soit en mesure de répondre à cette « commande ». Vous pouvez vous douter qu’il y a une forte opposition à cette transformation du Lacey Act, même si M. Juszkiewicz estime que cela renforcerait la Loi.
Vous pourriez ici vous demander si une solution au problème ne passerait pas par une alternative à ces bois de grande qualité pour faire des guitares. Elle existe, concède M. Juszkiewicz, mais elle est très peu vendable. Pour un guitariste « traditionaliste » (et ils semblent nombreux), une guitare avec du bois de rose de l’Inde a une sonorité différente de celle avec du bois de rose de Madagascar. Il n’existe pas d’alternative au bois pour établir un lien affectif fort avec sa guitare.
Le débat n’est pas fini. Aucune accusation n’a encore été déposée et le débat politique suit son cours. Mais la prochaine fois que vous verrez un rockeur briser sa guitare, ayez une petite pensée pour les bois souvent très précieux qui pourraient s’y trouver et qui viennent d’être réduits à peu de choses.
Sources (en plus des liens insérés)
Background: the Lacey Act and the Fish & Wildlife Service raid on Gibson Guitars (État de la situation tel que vu par un organisme environnemental)
Gibson Guitar strikes back in feds’ logging probe (À propos des enjeux politiques)
Gibson’s Wood Problem: Is Your Guitar Solo Shredding the Rainforest? (Article assez complet sur les différents enjeux du dossier)
Gov’t says wood is illegal if U.S. workers produce it (Communiqué Guitare Gibson)
Play Responsibly: Guitar Makers Seek Sustainable Sound (article sur les enjeux liés à l’approvisionenment en bois par l’industrie dela guitare de luxe)
US govt tunes out legendary guitar firm over ‘illegal’ wood from India (petit article d’un journal indien)
Photos : (tirées de Wikimedia Commons)
Guitare Gibson de George Harrison (un autre célèbre musicien avec une Gibson!)
Les Rockeurs ont bon dos !!! D’abord il faudrait en ce qui concerne Madagascar justement s’occuper des deux principales sources de morts Humaines cette fois à savoir les clans Rajiolini et Ravaloman dont les guerres intestines pour s’accaparer l’économie ont detruit le pays !!!
Après on parlera des arbres et des autres coupes en douce qui sont exportées en Chine par exemple avec la bénédiction des forestiers, Personnellement je préfère entendre un guitare sonner que une table de salon avec les pieds d’un pourri dessus !