La légende de la répartition historique du caribou forestier
Deuxième texte de la série Les Chroniques du caribou.
La carte ci-contre, tirée du Plan de rétablissement du caribou forestier 2013-2023, est à la base des efforts de conservation de cette espèce. Elle illustre son aire de répartition en 1850 et en 2012 et renvoie l’idée d’une colossale occupation historique qui s’est inexorablement réduite depuis la colonisation européenne.
Dans un précédent texte je remettais en question l’aspect «naturel» de la délimitation de 1850 sur la base de l’occupation préeuropéenne du territoire québécois. En résumé, j’argumentais que c’est l’hécatombe provoquée dans les populations des Premières Nations, suite à leur contact avec les Européens, qui avait vraisemblablement contribué à l’extension territoriale de 1850 du caribou forestier.
Dans le présent texte, je me suis intéressé à la «solidité» même de la limite territoriale de 1850. Pour cela, j’ai remonté le fil des références ayant servi à l’établir. Je suis même allé un peu plus loin. Et, à ma grande surprise je dois dire, aborder cette analyse sous l’angle d’un « gradient de solidité » ne s’appliquait pas ici. Il serait en fait plus juste de parler de contes et légendes. Détails…
D’une ligne pointillée à une ligne solide
L’aire de répartition de 1850 est tirée d’un article scientifique de 2003 intitulé « Historical changes and current distribution of caribou, Rangifer tarandus, in Quebec » (Courtois et collab.; références complètes en fin de texte). À souligner que, dans cet article, la délimitation contemporaine de l’aire de répartition du caribou forestier était fixée à 1972. Elle a depuis été actualisée à 2012.
Un point visuel que l’on peut immédiatement remarquer dans l’article est que la délimitation de 1850 est en pointillés, ce n’est pas une ligne pleine. Un « détail » qui n’en est pas vraiment un considérant, comme le soulignent les auteurs, la précision des données historiques :
La précision des données historiques est relativement faible […] Conclure erronément qu’il n’y a pas de déclin serait une erreur plus grave en matière de conservation biologique [biological conservation] que de conclure erronément qu’il y a un déclin […]
— Courtois et collab. 2003, p. 412 [traduction avec l’aide de Deepl]
C’est-à-dire que, dans le doute, les auteurs ont conclu avec l’option la moins dommageable sous l’angle de la préservation du caribou forestier. À la base, il n’y avait cependant rien de très certain dans la délimitation de 1850.
La méthodologie de l’article est aussi un autre indice quant au fait que les aires de répartition historiques et contemporaines du caribou forestier n’ont pas la même valeur. Pour l’appréciation visuelle, sur les 80 lignes de la section « Méthodologie », l’effort consacré à la délimitation de l’aire de distribution de 1850 n’occupe que les cinq premières lignes (références comprises).
Il s’avère qu’avec le temps, l’approximation de la délimitation de 1850 s’est transformée en affirmation. Ce n’est pas une ligne « solide » et Courtois et collab. (2003) n’ont jamais prétendu que cela en était une.
Des doutes de Courtois et collab. (2003) sur la limite de 1850
Étonnamment, les observations mêmes de Courtois et collab. (2003) amènent de sérieux doutes et questionnements sur la délimitation de 1850.
Le caribou avait disparu [had disappeared] de la vallée du Saint-Laurent en 1850 (Martin 1980; Guay 1983). Toutefois, entre 1865 et 1875, il pouvait toujours être retrouvé sur la Rive-Nord du Saint-Laurent […] et de la vallée de la Matapédia à la partie la plus orientale de la péninsule de la Gaspésie (Moisan 1956; Guay 1983; Gingras et al. 1989).
— Courtois et collab. 2003, p. 401 [traduction]
Ce segment, tiré de la section « Résultats » de l’article, a de quoi surprendre. Sans la vallée du Saint-Laurent, l’aire de répartition du caribou forestier en 1850 prend immédiatement une allure bien différente!
On retrouve d’autres détails dans la section « Discussion » :
Il n’y a aucun doute quant à la diminution historique de la distribution du caribou au Québec. À l’exception de la population de la Gaspésie, l’espèce n’est plus présente sur la Rive-Sud du Saint-Laurent où elle pouvait être fréquemment vue jusqu’à environ 1875 (Martin 1980; Guay 1983). Toutefois, sa distribution et son abondance historique dans la vallée du Saint-Laurent ne sont pas connues. Ce territoire est à présent dominé par les feuillus et la forêt mélangée, qui sont des habitats inadéquats pour le caribou. Les feuillus matures dominaient déjà ce paysage forestier au début du 19e siècle (Richard 1993), ce qui nous indique que, déjà à cette époque, le caribou n’était probablement pas abondant au sud-ouest de la ville de Québec. Sa distribution était probablement limitée aux sites dominés par les résineux.
— Courtois et collab. 2003, p. 406-407 [traduction]
Quoique des observations semblent avoir été faites sur les deux rives du Saint-Laurent au cours de la décennie 1865-1875, aux dires mêmes des auteurs il y a énormément de doutes sur la portée réelle de la présence du caribou au sud du Québec. Comme ils le notent, il est surprenant de rencontrer un représentant de la forêt boréale dans la forêt feuillue.
Pour éclaircir mes idées, j’ai consulté trois des quatre références de Courtois et collab. (2003) liées à l’occupation du caribou forestier au Québec, soit Guay (1983), Martin (1980) ainsi que Moisan (1956). Je n’ai pas pu mettre la main sur Gingras et collab. (1989), un livre intitulé « Le club Triton » (Les Éditions Rapide-Blanc inc.).
Du caribou dans le sud du Québec?
Guay (1983)
La première référence dont je vais tirer des extraits est un livre de M. Guay intitulé « Histoires vraies de la chasse au Québec » (1983, VLB Éditeur). Ce livre est structuré sous forme d’anecdotes remontant jusqu’au début des années 1600. « Anecdotes », mais avec un effort de recherche sérieux je précise! Pour aujourd’hui je m’en tiendrai à ce que ce livre nous apprend sur la présence du caribou forestier au 19e siècle. À noter qu’il y a un index qui permet de retracer toutes les entrées liées au caribou.
Au 19e siècle, la première entrée liée au caribou est datée de 1857 et s’intitule « Deux caribous à Bécancour ».
Pierre Deshais tue deux caribous « à quelques arpents de sa maison et environ au milieu du village ». Il s’agit évidemment d’un cas exceptionnel.
— Guay 1983, p. 142
Ce « cas exceptionnel » est suivi de quelques pages dédiées à « La chasse au caribou ». Cinq anecdotes y sont détaillées et sont datées entre 1876 et 1900. Trois concernent des succès de chasse dans la région de Québec, une du côté du Lac Édouard (Mauricie) et la plus au sud à Sainte-Adèle (Laurentides). Concernant cette dernière, datée de 1887, il est précisé :
[…] C’était un magnifique caribou, animal assez rare en cet endroit. La bête pesait 296 livres.
— Guay 1983, p. 145
Finalement, M. Guay fait une référence à l’abbé Léon Provancher dans un des premiers numéros du Naturaliste Canadien. Le texte s’intitule « Les animaux qui s’éteignent ». M. Guay a fait un bon résumé, mais j’ai ici choisi de citer la référence originale :
[…] le cerf du Canada (elaphus Canadensis; note : le wapiti) qu’on chassait autrefois sur les bords du Saint-Laurent ne se trouve plus que dans l’Ouest; le castor et l’orignal (Alces machlis) y sont déjà devenus rares; le lynx roux (Lynx rufus) ne se trouve plus à l’est du Saint-Laurent, le dindon qui était si commun sur les bords du lac Huron, ne s’y rencontre plus que très rarement, etc., etc. Il n’y a pas de doute que la guerre d’extermination qu’on fait de toutes parts à ces habitants de nos forêts, jointe aux développements de la colonisation qui leur enlève leurs retraites, aura bientôt pour résultat la disparition de plus d’une de leurs races de nos contrées, et probablement l’extinction de quelques-unes.
— Provancher 1870, p. 91
Aussi surprenant soit-il, il y a de fait de bonnes preuves qu’il y a déjà eu des wapitis au Québec!
Mais ce qui frappe, c’est qu’il n’est pas du tout question du caribou; une espèce qui a pourtant aussi beaucoup souffert de la chasse. Si elle avait été historiquement très présente dans la vallée du Saint-Laurent, il est fort probable que l’abbé Provancher en aurait aussi parlé. Cette « non présence » ou grande discrétion du caribou au sud du Québec est aussi notée dans Martin (1980).
Martin (1980)
Son livre s’intitule « Histoire de la chasse au Québec » (Éditions du Boréal Express). Le livre est divisé en trois parties (« aperçu historique», « la chasse au gros gibier » et « la chasse au petit gibier »). Il s’agit d’un texte plus conventionnel et sans index. Dans « l’aperçu historique » consacré à la période 1760-1875, on retrouve un portrait catastrophique de la situation du caribou (entre autres) dans les zones habitées :
L’absence des grands cervidés de la zone habitée était déjà un fait acquis sous le Régime français alors que, dès le 17e siècle, ils avaient été pourchassés sans merci soit pour nourrir les premiers arrivants, soit pour approvisionner le commerce de peaux et de cuirs. Les nouveaux colons du 19e siècle n’agirent pas autrement que leurs ancêtres et répétèrent à 200 ans d’intervalle des prélèvements massifs et continus dans les populations d’originaux et de caribous des territoires nouvellement concédés. […] Dans les Cantons de l’Est, l’Outaouais, Charlevoix, la Baie des Chaleurs, les populations d’orignaux, de caribous et d’ours, qui avaient survécu à deux siècles de présence périodique d’Européens, eurent à subir une quasi-guerre d’extermination : le cerf de Virginie disparut de Brome et de Missisquoi, le caribou se raréfia dans les Appalaches et les monts Notre-Dame, se retirant au cœur des Shicks-Shocks […]
— Martin 1980, p. 69
Dans la deuxième partie du livre, un chapitre est spécifiquement dédié au caribou et l’on y retrouve une section «Distribution ».
Selon les données écrites, on trouvait du caribou des bois au 17e siècle, dans la quasi-totalité de la vallée du Saint-Laurent. La seule exception serait la pointe avancée de la forêt de feuillus continentale, bornée de façon arbitraire à l’est par la rivière Richelieu et au nord par l’île Jésus [note : Laval]. […] Le cœur de l’habitat du caribou, par contre, se situerait à la hauteur du Saguenay, en une bande forestière allant du 47° [note : hauteur de la ville de Québec] au 51° de latitude.
— Martin 1980, p. 159
Un peu plus loin, Martin (1980) précise :
[…] Les évidences ethnographiques et archéologiques nous indiquent l’importance de certains cervidés dans le régime alimentaire des familles [autochtones] : l’orignal chez les Micmacs, le cerf de Virginie chez les Iroquois, et le caribou des bois chez les Montagnais, les Naskapis, les Cris et les Chippewas. Cette constatation générale vaut surtout pour les quatre derniers siècles […] Quel qu’en fut l’usage chez les peuples habitant la haute vallée du Saint-Laurent, ce fut surtout chez les hommes du Nord (Montagnais-Naskapis-Cris) que se développa la « culture » du caribou », c’est-à-dire une civilisation matérielle où ce cervidé formait la principale source d’alimentation carnée et où le reste de sa dépouille […] était converti de mille manières.
— Martin 1980, p. 160-61
Ces différentes observations rendent douteuse la présence d’une « solide » aire de répartition du caribou forestier dans le sud du Québec en 1850. Mais qu’en est-il plus au sud encore, soit dans les États américains? La seule source permettant d’étayer cette extension se trouve en introduction de Courtois et collab. (2003) :
À l’arrivée des premiers Européens, on trouvait des caribous dans les régions actuellement occupées par toutes les provinces canadiennes ainsi que les États américains limitrophes du Canada. Dans la partie orientale du continent, le caribou était présent dans les États actuels de New York, Vermont, New Hampshire et Maine (Moisan 1956).
— Courtois et collab. 2003, p. 400 [traduction]
Moisan (1956)
Mais il y a un « hic »… Moisan (1956) ne fait aucune référence aux États du Vermont et de New York!
[…] Au sud du Saint-Laurent, le caribou se retrouvait jusqu’au nord du New Hampshire. À mesure que l’Indien reculait devant le laboureur, et que la forêt faisait place à l’agriculture, le caribou s’est retiré dans des endroits moins fertiles et moins accessibles. Plus tard, des opérations forestières furent mises sur pied à la tête de toutes les grandes rivières, et des chasseurs professionnels furent embauchés pour nourrir les bûcherons à même le grand gibier de la région. Quand la disparition du gibier devint évidente, on passa des lois pour empêcher de tuer le caribou, mais le dommage était fait. C’est l’histoire condensée de ce qui s’est passé successivement dans l’État du Maine, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, en Ontario et au Québec.
— Moisan 1956, p. 229, 231
L’article n’est pas très long. Je l’ai repassé quelquefois. Et comme il s’agissait là du premier d’une série de trois articles, j’ai aussi fouillé dans les parties II et III. Tout cela en vain…
Courtois et collab. (2003) avaient, je suppose, de bonnes raisons d’inclure les États de New York et du Vermont dans leur citation. Le raisonnement n’est cependant pas explicite. Il manque peut-être une référence et je n’ai pu en trouver la trace. Le point est que, si l’on exclut ces deux États les plus à l’ouest, après avoir exclu la vallée du Saint-Laurent, la délimitation de 1850 a un visuel bien différent!
Tout d’abord, il n’y a pas une ligne horizontale continue, mais deux zones distinctes. Une première, sur la Rive-Nord du Saint-Laurent, qui reste au Québec et longe les zones résineuses. La seconde, sur la Rive-Sud, qui se concentre autour des Appalaches. Il n’y a pas de fusion entre les deux zones comme dans la délimitation actuelle.
À souligner que, tout comme pour Courtois et collab. (2003), l’objectif de l’article de Moisan (1956), intitulé « Le caribou de Gaspé I. Histoire et distribution » était très contemporain. Le cadre historique fut abordé avec les sources disponibles, mais sans nouvelle recherche sur ce point.
Pour cette raison, j’ai mis la main sur deux références de Moisan (1956) avec le potentiel de préciser la répartition historique du caribou forestier (note : l’article n’a que cinq références). Il s’agit d’Anderson (1939) dans le rapport annuel de la Société Provancher (société éditrice du Naturaliste Canadien) et de l’article scientifique « Late records of caribou in Maine » (Palmer 1938).
Mes recherches m’ont aussi amené à mettre la main sur « Les mammifères de la province de Québec » de 1902 écrit par M. Dionne, conservateur du Musée zoologique de l’Université Laval.
Point de salut en dehors du Maine?
Pour commencer avec la plus ancienne référence, voici ce qu’écrit Dionne (1902) concernant « Le Renne caribou » :
Le Caribou, ainsi qu’on le nomme d’ordinaire, vit par bandes dans les épaisses forêts de l’Amérique du Nord; on le rencontre depuis le nord des États-Unis et, dans le Canada, jusqu’à la limite du bois au nord, où il est remplacé par une sous-espèce, l’articus […]
— Dionne 1902, p. 144-45
… Cela pourrait correspondre à la limite de 1850, mais ça reste très général et surtout non étayé (aucune référence). Passons à l’article de 1938 par M. Palmer, un professeur au Département de zoologie de l’Université du Maine.
L’objectif de M. Palmer était d’analyser les différents rapports sur des observations de caribous dans le Maine dans les 25 années précédentes. Pour le contexte, la dernière référence fiable de présence de caribous dans le Maine datait de 1908. Mais dans les faits…
Parmi les nombreux rapports sur la présence du caribou dans le Maine depuis 1908, au moins la majorité d’entre eux sont de nature très douteuse. À l’exception d’un rapport (qui doit être considéré avec scepticisme) […]. J’estime que les rapports en ma possession sur le caribou dans le Maine après 1910 ne méritent pas d’être sérieusement pris en considération.
— Palmer 1938, p. 41-42 [traduction avec l’aide de Deepl]
Au-delà de l’intérêt spécifique que cela apporte sur la situation du caribou dans le Maine, les réflexions de ce professeur mettent aussi en garde sur le fait que tous les rapports d’observation de caribous ne se valent pas! Un élément qui ajoute des points d’interrogation à des informations déjà par trop parcellaires.
L’article nous apprend aussi que la plus ancienne note sur la présence du caribou dans un rapport officiel de l’État du Maine date de 1886. Nous sommes loin de 1850. On y mentionne aussi le New Hampshire, mais il s’agit d’une observation non confirmée datant de 1922.
Finalement, Anderson (1939) a lui aussi écrit une synthèse intitulée « Mammifères de la province de Québec ». M. Anderson était alors Chef de la section « Biologie » du Musée national du Canada. Pour ici résumer, ce dernier ne mentionne que le Maine comme État américain. Pour le reste, il n’y avait pas d’informations nouvelles pour éclaircir la quête sur la présence du caribou dans les États de la Nouvelle-Angleterre.
Nouvelle-Angleterre : colonisation et déforestation
Si, à l’exception du Maine, la répartition géographique du caribou aux États-Unis au cours du 19e siècle reste quelque peu nébuleuse, on peut cependant se baser sur l’histoire même de la Nouvelle-Angleterre pour y voir plus clair.
Il s’avère qu’au milieu du 19e siècle, les États de la Nouvelle-Angleterre étaient alors en plein « boum » de colonisation et les forêts avaient pour beaucoup fait place à l’agriculture. J’ai déjà écrit un texte abordant ce sujet. Pour ici, et comme cette chronique ne cesse de s’allonger (!), je vais seulement présenter la Figure ci-dessous.
Elle est tirée du livre « American forests: A history of resilience and recovery » (MacCleery 2011) et présente l’évolution du couvert forestier dans différents États de la Nouvelle-Angleterre entre le milieu des années 1800 et 2007.
Comme on peut le noter, avec environ 35 % de paysage forestier, il est peu probable que le caribou ait pu trouver un intérêt à aller dans le Vermont au milieu du 19e siècle. Le New Hampshire fait un peu mieux avec 50 % de couvert forestier, mais on parle d’un niveau de perturbation du paysage largement supérieur à ce qui est reconnu acceptable pour le caribou (pas plus de 35 % en zones agricoles, coupes forestières, feux récents…). Avec environ 75 % de son paysage toujours sous la forme d’un couvert forestier au 19e siècle, on peut cependant mieux comprendre que le caribou ait pu fréquenter le Maine.
En conclusion…
Si Courtois et collab. (2003) notent que « La précision des données historiques est relativement faible », mes recherches m’amènent à une conclusion plus sévère : les données historiques ne justifient pas l’aire de répartition de 1850 du caribou forestier. À cela, il faut ajouter des éléments de confusion liés à cette délimitation.
Vous aurez peut-être noté qu’aucune des références liées au caribou au cours du 19e siècle ne le mentionne avant 1850… Comme si la délimitation avait été établie antérieurement aux données (très parcellaires) disponibles. Ce qui a peu de sens.
Je me dois ici de tenter une explication pour comprendre la portée de cette délimitation : il semble y avoir eu une fusion des informations disponibles au moment des premiers contacts entre les Européens et Premières Nations au 17e siècle et celles disponibles pour le 19e siècle. Comme s’il ne s’était rien passé de notable pendant 200 ans. La délimitation de 1850 représenterait donc ici l’aire de distribution maximale théorique du caribou forestier avant les grands efforts de colonisation qui ont eu cours dans la deuxième moitié du 19e siècle.
C’est en fait la seule explication que je vois, car non seulement aucune source touchant le 19e siècle ne permet d’établir l’aire de répartition du caribou forestier en 1850, mais c’est en fait plus que cela : cette délimitation de 1850 ne pouvait exister (forêt feuillue, agriculture, chasseurs…).
En conséquence, il faut conclure que nos efforts de préservation du caribou forestier sont basés sur un volet historique à classer dans la catégorie « Contes et légendes ».
Bibliographie
ANDERSON, R. M. 1939. Mammifères de la province de Québec. In Société Provancher d’Histoire Naturelle du Canada (eds). Rapport annuel 1939 Annual report. Pages 37-111.
COURTOIS, R., OUELLET, J. P., GINGRAS, A., DUSSAULT, L., BRETON, L., & MALTAIS, J. 2003. Historical Changes and Current Distribution of Caribou, Rangifer tarandus, in Quebec. The Canadian Field-Naturalist 117 : 399-414.
DIONNE, C.-E. 1902. Les mammifères de la Province de Québec. Dussault & Proulx, Québec. 285 pages.
GUAY, D. 1983. Histoires vraies de la chasse au Québec. VLB Éditeur, Montréal. 288 pages.
MARTIN, P.-L. 1980. Histoire de la chasse au Québec. Boreal Express, Montreal. 281 pages.
MACCLEERY, D. W. 2011. American Forests: A History of Resiliency and Recovery. Forest History Society, Durham (North Carolina). 71 pages.
MOISAN, G. 1956. Le caribou de Gaspé I. Histoire et distribution. Le Naturaliste Canadien 83(10) : 225-234.
PALMER, R. S. 1938. Late records of caribou in Maine. Journal of Mammalogy 19(1): 37-43.
PROVANCHER, L. 1870. Les animaux qui s’éteignent. Le Naturaliste Canadien 2(3) : 90-92.