Fermeture de chemins forestiers : terrain (très) glissant!
Fermer des chemins forestiers serait-il une mesure acceptable en territoire public? Selon une étude réalisée en Ontario et publiée dans le numéro de septembre de la Revue Canadienne de Recherche Forestière, la réponse est plutôt « Non ». Enfin, ça dépend de la façon… Ce qui est sûr, c’est qu’il y a dans cet enjeu un (autre) potentiel casse-tête pour les aménagistes forestiers.
L’étude s’est déroulée en 2007 dans un district (Wawa) du nord-est de l’Ontario. Des décisions pour fermer, limiter l’accès ou « désactiver » certains chemins forestiers ont été prises dans le passé afin de préserver les intérêts économiques de certaines activités récréatives. Le district de l’étude comptait environ 13 000 personnes. Sur les 800 sondages envoyés, 303 ont été complétés. En plus des questions sur l’appréciation des différents moyens de limiter l’accès aux chemins, le sondage comptait plusieurs questions générales concernant des enjeux environnementaux ou forestiers afin d’aider à établir un portrait des répondants.
Installer des barrières s’est avérée l’approche la moins appréciée avec 71 % des gens la considérant comme « indésirable ». Considérant une échelle d’appréciation s’échelonnant de −2 à + 2 (-2 = moins appréciée), cette approche a obtenu une moyenne de −1,06! Les deux stratégies les plus appréciées furent « laisser-aller la Nature » (Natural abandonment) et les routes d’hiver. Ce sont les deux seules approches considérées plus « désirables » qu’indésirables et les seules à avoir eu une moyenne positive dans l’échelle d’appréciation.
L’étude a fait ressortir quatre groupes d’opinion avec des profils bien définis. Le groupe le plus important (46 %) regroupait les personnes opposées à toute forme de limitation dans l’usage des chemins. Ce groupe se définissait comme étant celui faisant le plus usage des chemins à des fins d’utilisation récréatives motorisées. Pour donner un exemple des questions générales posées, ce sont les représentants de ce groupe qui ont le plus apprécié l’affirmation « Toutes les routes sur terres publiques devraient être inconditionnellement ouvertes au public » avec une cote de +1,55.
À l’opposé, les citoyens classés dans le groupe des plus ardents partisans de la fermeture des chemins forestiers étaient globalement les moins intéressés par les activités récréatives. « Moins intéressé » ne voulant pas dire pas intéressés! Ils représentaient 20 % des répondants et, à la question générale mentionnée pour le groupe précédent, leur appréciation fut de −0,12!
Entre les deux extrêmes, leurs auteurs ont défini deux autres groupes, soit les partisans du contrôle de l’accès avec des « panneaux » et ceux qui étaient partisans de mesures de « désactivation » (ex : enlever des ponceaux ou des ponts). Ce dernier groupe, qui représentait seulement 10 % des répondants, avait la particularité de regrouper les plus jeunes et les plus scolarisés. Le groupe du contrôle le plus « doux » (panneaux) représentait 25 % des répondants et regroupait surtout des partisans de fermetures saisonnières.
Un point que les auteurs soulignent à la fin de l’article est que les proportions associées à chaque groupe ont potentiellement un biais dû au fort taux de non-réponse (62 %). Aussi, même si les autochtones représentaient 13 % de la population du district, il n’y a pas eu d’effort spécifique pour les identifier.
La conclusion des auteurs est qu’il n’y pas de consensus, mais que les quatre groupes identifiés devraient certainement se retrouver dans d’autres territoires. Si on ne peut dire que la gestion des chemins forestiers est actuellement un des principaux enjeux d’aménagement forestier au Québec, à force de vouloir aller exploiter les parties les plus nordiques, des questions vont finir par se poser. Ce devrait être là un sujet de recherche avant-gardiste… et il y a beaucoup à faire à l’évidence!
L’article:
Mihell, K. et Lee M. Hunt. 2011. Understanding residents’ desired approches to manage forest access roads : a case from northeastern Ontario, (Lien) (Note : nécessite un droit d’accès pour le lire au complet)
La photo :
La barrière (Pike-San Isabel National Forest) : Steve Tapia