L’aménagement forestier dans la campagne électorale québécoise: entre indifférence et incohérences
[Mise à jour le 5 septembre 2012 – voir la fin de la chronique]
Cela peut paraître un peu tard dans la campagne électorale en cours au Québec pour parler de foresterie et d’aménagement forestier, mais le fait est que cet enjeu n’a été abordé que très récemment. Une situation d’ailleurs déplorée par le Conseil de l’Industrie Forestière du Québec (CIFQ) la semaine dernière. Donc, pour la chronique d’aujourd’hui, petit survol des dossiers « chauds » du monde de l’aménagement forestier dans cette période de fièvre électorale (note : je me suis attardé aux enjeux avec un rayonnement « panquébécois »).
Selon l’adage « à tout seigneur tout honneur », ce sont les groupes environnementaux (Greenpeace, Équiterre, Nature Québec…) qui ont abordé les premiers des enjeux forestiers en publiant le 14 août dernier une plateforme électorale commune qui touchait plusieurs enjeux environnementaux (mines, gaz de schiste…). Pour l’enjeu forestier, les groupes environnementaux ont retenu que « l’exploitation » (terme utilisé dans le document, je préfère « aménagement »…) des forêts publiques est déficitaire depuis 2007; c’est-à-dire que les redevances sont moins élevées que les fonds publics investis. Le CIFQ a répondu à cet argument en faisant valoir que de mesurer l’apport de l’industrie forestière à l’économie du Québec sur la seule base des redevances était très réducteur considérant toutes les taxes et impôts liés aux emplois et à l’activité économique qu’elle génère. Le document fait aussi l’apologie de la future Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier (Loi 57) et présente ses attentes qui sont principalement liées aux aires protégées. En particulier, les signataires de cette plateforme commune insistent sur la nécessité de protéger 50 % du territoire du Plan Nord avant d’accélérer l’exploitation de ce territoire.
Suite aux premiers débats, Greenpeace a émis un communiqué où l’organisme critique la Coalition pour l’Avenir du Québec (CAQ) et le Parti Québécois (PQ) pour leur silence sur la création d’aires protégées. Quant au Parti Libéral (PLQ), Greenpeace reproche à ce parti politique de parler d’aires protégées dans le Nord… après l’exploitation des ressources. Seuls Option Nationale (ON), Québec Solidaire (QS) et les Verts trouvent grâce auprès de Greenpeace sur ce point. À souligner que Greenpeace n’a pas noté ou n’a pas relevé le fait que, contrairement à eux, QS est contre la Loi 57 et souhaite la remplacer par une politique de forêts communautaires. C’est d’ailleurs le seul parti qui souhaite revoir la politique forestière, et ce, malgré le fait que leur seul député (M. Amir Khadir) ait voté pour son adoption.
Si l’on s’attarde un peu plus en profondeur sur les programmes politiques, l’idée d’une Charte pour l’utilisation du bois dans les édifices non résidentiels a la faveur d’ON et du PQ. Ce dernier promet aussi de mettre en place des projets de forêt de proximité qui sont actuellement en gestation et de créer un « vaste chantier d’aménagement sylvicole » pour doubler la valeur de la production forestière en ajoutant annuellement 35 millions de $ supplémentaires aux travaux sylvicoles (2012-2013 : budget de 189 millions de $). Cette promesse est en ligne avec les demandes du CIFQ et de la Fédération québécoise des municipalités qui souhaitent une intensification des travaux sylvicoles pour compenser, entre autres, la baisse de possibilité associée aux aires protégées. Au moment d’écrire cette chronique, le PLQ n’avait pas officiellement répondu à cette demande quoique le programme du parti prévoit l’augmentation du budget annuel des travaux sylvicoles à 200 millions de $. Finalement, en lien direct avec la mission de ce blogue (mais je n’y suis pour rien!), il est à souligner que le PQ a prévu un programme de valorisation de la culture forestière.
Finalement, je n’ai pas oublié la CAQ, mais cette dernière semble cependant avoir oublié la foresterie! Le seul élément dans le programme de la CAQ en lien avec la forêt est le remplacement du mazout dans les résidences privées par l’énergie renouvelable que représente le bois (biomasse).
En conclusion, il y a relativement peu de nouveautés à se mettre sous la dent lorsque l’on pense aménagement forestier dans cette campagne électorale. Le fait que la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier (Loi 57) qui entrera en vigueur le 1er avril 2013 ait été adoptée à l’unanimité est certainement une raison à cela. Toutefois, considérant la Loi 67 qui vise à dédouaner le Ministère des Ressources naturelles et de la Faune de ses responsabilités concernant les garanties d’approvisionnement, il y aurait eu matière à pousser la réflexion plus loin. Mais le délai entre le dépôt de la Loi 67 et la campagne électorale fut peut-être trop court pour cela. Alors, à moins que les suites à ce dernier dossier ne débouchent sur une réflexion plus large, le monde de l’aménagement forestier ne devrait pas sortir très chamboulé de l’après 4 septembre.
[Mise à jour du 5 septembre 2012]
Mea Culpa… Ce ne sont pas les groupes environnementaux, mais bien le CIFQ qui, le premier, avait abordé les enjeux forestiers dans le cadre de la campagne électorale qui vient de se finir. Cela avait été fait par voie de communiqué le 6 août dernier. On peut aussi retrouver sur le site du CIFQ les programmes des différents partis politiques en fonction des enjeux retenus par l’organisme.
Considérant toutefois que deux semaines après son communiqué le CIFQ déplorait le manque de visibilité des enjeux forestiers dans la campagne, l’orientation éditoriale du texte conserve, voire accroît, toute sa logique.
Références supplémentaires
Programmes des partis politiques :
Option nationale
Le comparateur des programmes du Devoir.