Des caribous et des Hommes
Troisième texte de la série Les Chroniques du caribou.
Dans les derniers mois, j’ai écrit deux textes portant spécifiquement sur le caribou forestier. Dans le premier, en août dernier, j’argumentais que sa délimitation historique, fixée à l’année 1850 (carte plus bas), était un artefact de l’histoire. La raison invoquée étant que le caribou forestier n’aurait pu s’établir dans tout le sud du Québec et dans certains États de la Nouvelle-Angleterre n’eut été de l’effondrement des populations des Premières Nations. Un effondrement provoqué par les maladies transmises par les colons européens et pour lesquelles les Premières Nations n’avaient pas de protections naturelles. En contexte aussi, le fait que cette espèce est très sensible à la présence humaine.
Dans ce premier texte, je tenais alors pour acquis que l’aire de répartition de 1850 était « solide ». Or, le mois dernier, j’ai publié une chronique intitulée « La légende de la répartition historique du caribou forestier ». J’y relevais le manque d’observations justifiant une présence de cette espèce animale sur tout le territoire québécois en 1850 ainsi que la colonisation avancée dans les États de la Nouvelle-Angleterre. De fait, à l’exception du Maine, les paysages des différents États où le caribou aurait dû théoriquement se retrouver en 1850 étaient alors majoritairement agricoles. C’est là un habitat très défavorable au caribou… forestier. Donc, « feu » l’aire de répartition de 1850!
Ce constat eut pour effet de stimuler mon intérêt à mieux comprendre l’histoire du caribou forestier avant 1850. Et de fait, je suis remonté vraiment plus loin que 1850! Un retour dans l’histoire du caribou qui m’a surtout fait prendre conscience de son étroite relation millénaire avec les humains. Une relation aujourd’hui en danger.
Regards archéologiques
Suite à mon précédent texte, un lecteur (M. Prescott) a attiré mon attention (merci!) sur un livre intitulé « Wild mammals of New England ». De ce livre, j’ai tiré la référence suivante : « Archeological evidence of caribou from New York and Massachusetts » (Guilday 1968).
Il s’agit d’une note de recherche scientifique. Elle tient en une page. L’auteur y rapporte la découverte de restes de caribous dans l’État de New York, juste au nord de la ville du même nom.
Quant à la datation du site, il n’y avait pas assez de restes pour utiliser le Carbone 14. Toutefois, dans la même strate de sol que les restes de caribous on retrouvait des pointes de flèches associées aux premières communautés autochtones.
Par « premières » communautés, l’auteur réfère à une semblable association de restes de caribous et de flèches rencontrée dans un site archéologique au Michigan et qui fut datée de 9000 ans avant Jésus-Christ. M. Guilday estime que cela pourrait correspondre à la datation des restes rencontrés dans l’État de New York. Pour le contexte, à cette époque les Basse-Terre du Saint-Laurent ainsi que les futures villes de Montréal et de Québec étaient recouvertes par la mer de Champlain.
Sur le territoire québécois, Martin (1980), une référence dans la délimitation de l’aire de répartition de 1850, présente aussi les résultats d’une étude archéologique :
Selon les données écrites, on trouvait du caribou des bois au 17e siècle, dans la quasi-totalité de la vallée du Saint-Laurent. La seule exception serait la pointe avancée de la forêt de feuillus continentale, bornée de façon arbitraire à l’est par la rivière Richelieu et au nord par l’île Jésus [note : Laval]. Et encore, le site préhistorique de Lanoraie a livré une proportion significative des restes alimentaires de caribous, consommés sur place il y a maintenant six ou sept cents ans. Y aurait-il une relation avec le « Petit Âge Glaciaire »?
— Martin 1980, p. 159
Rapprochons-nous maintenant de notre ère contemporaine en nous plaçant à l’arrivée des premiers explorateurs français au 17e siècle.
17e siècle : présence sans abondance
Je vais débuter cette section avec Moisan (1956) qui résume le regard porté par les premiers explorateurs quant à la présence du caribou dans nos contrées. Par la suite, je présenterai les écrits du frère Gabriel Sagard ainsi que de Pierre Boucher, le fondateur de Boucherville. En complément, je vais référer à des auteurs faisant une synthèse des principales diètes alimentaires chez les Premières Nations.
Mais avant d’aborder le tout, quelques précisions terminologiques sont requises. Il n’existe qu’une seule espèce de caribou sur la planète. Le « caribou des bois » est la seule sous-espèce présente au Québec. Elle est segmentée en trois écotypes, soit : forestier, montagnard (Gaspésie) et migrateur (le plus au nord).
Moisan (1956)
Le texte de Moisan (1956) traite principalement de la situation du caribou en Gaspésie dans les années 1950, mais il y a aussi un volet historique. C’est ce volet historique qui a valu à ce texte d’être une référence clé dans Courtois et collab. (2003), l’article scientifique qui a défini l’aire de répartition de 1850.
On sait que Rangifer caribou occupait une très grande aire en Amérique du Nord lors de l’arrivée des premiers Européens. Il est cependant étrange de constater que les premiers chroniqueurs mentionnent à peine sa présence; ils l’appellent « asne sauvage ».
— Moisan 1956, p. 229
Ce commentaire paraît quelque peu équivoque, mais pourtant logique. « Présence » n’est pas synonyme d’abondance, comme nous allons aussi le constater avec Sagard et Boucher.
Gabriel Sagard
Un des premiers explorateurs dont les écrits sont facilement accessibles est celui du frère récollet Gabriel Sagard.
Son livre, imprimé en 1632, s’intitule « Le grand voyage au pays des Hurons ». Le-dit voyage s’est fait de juillet 1623 à juillet 1624. Gabriel Sagard a alors quitté Québec en canot, avec des Hurons, à destination du territoire de la Confédération huronne. Cette dernière se trouvait alors entre les lacs Hurons et Ontario. À souligner qu’il avait appris la langue huronne et fut accepté dans la maison longue d’une famille huronne.
Dans la première partie de son livre, Sagard discute surtout des différentes mœurs des Hurons. Mais dans la deuxième partie, plus courte, Sagard parle des oiseaux, poissons et de la faune rencontrée ou dont il a entendu parler. Ci-dessous le passage dans lequel il parle du caribou.
Les élans ou orignaux sont fréquents en la Province de Canada et forts rares à celle des Hurons, d’autant que ces animaux se tiennent et retirent ordinairement dans les pays plus froids et remplis de montagnes, aussi bien que les ours blancs qu’on dit habiter l’île d’Anticosti, proche l’embouchure de la grande rivière Saint-Laurent; les Hurons appellent ces élans sondareinta, et les caribous ausquoy, desquels les Sauvages nous donnèrent un pied, qui est creux et si léger de la corne et fait de telle façon qu’on peut aisément croire ce qu’on dit de cet animal : qu’il marche sur les neiges sans enfoncer.
— Sagard 1632 (Édition 2007, Bibliothèque Québécoise), p. 318-319
Malgré le fait qu’il ait traversé le sud du Québec en remontant le fleuve Saint-Laurent et la rivière des Outaouais, il est notable que la présence du caribou forestier ne se soit pas « imposée » à frère Sagard. Les Hurons ne semblent pas non plus avoir insisté sur sa présence. À souligner que Sagard n’hésite pas à souligner l’abondance de divers animaux si la situation s’y prête.
Quant au « pied » du caribou, il faut mettre en contexte que les Hurons étaient des maîtres du troc et avaient accès à un large réseau commercial.
Pierre Boucher
Un autre commentateur d’importance des premières années de la colonisation française est Pierre Boucher. Il arrivera en Nouvelle-France en 1635 et passera quatre ans en Huronie (1637 à 1641). Il deviendra un personnage central de la colonie.
Entre autres fonctions, il sera nommé gouverneur de Trois-Rivières. Il s’illustra, en particulier, dans sa défense de la ville contre les Iroquois. Il jouera aussi un rôle clé pour inciter le roi de France à envoyer des renforts militaires dans la colonie. C’est dans ce contexte qu’il publiera en 1664 « Histoire véritable et naturelle des mœurs et productions du pays de la Nouvelle-France vulgairement dite le Canada ».
C’est dans un chapitre intitulé «Brève description de Québec, et de quelques-autres lieux» qu’il fait une première référence à la présence du caribou :
Mais disons un mot de l’habitation des Trois-Rivières : c’est un fort beau pays à voir, un pays plat, point montagneux, qui a de fort beaux bois : plusieurs rivières et lacs entrecoupent ses terres, qui sont toutes bordées de belles prairies; ce qui fait qu’il y a quantité d’animaux, et surtout des élans [orignal], caribous, et castors, et un très grand nombre de gibier et de poisson.
— Boucher 1664, p. 21 (Édition 2014)
Une deuxième référence au caribou est faite dans le chapitre consacré aux animaux :
Commençons donc par le plus commun et le plus universel de tous les animaux de ce pays, qui est l’élan, qu’on appelle en ces quartiers-ci orignal […]
Le caribou est un animal de la hauteur environ d’un âne, mais qui est fort dispos. […]
— Boucher 1664, p. 21 (Édition 2014), p. 54-55
Tout comme Sagard, Pierre Boucher quantifie la présence de certains animaux et, comme pour ce premier, c’est l’orignal qui se démarqua en abondance. Dans le cas du caribou, au-delà d’une présence qui semble marquée dans la Mauricie d’aujourd’hui, cette espèce est identifiée comme étant présente, sans plus.
Attardons-nous maintenant à des auteurs qui ont fait des synthèses de l’apport du caribou dans les diètes des Premières Nations.
Diète alimentaire et Premières Nations
Je commencerais par Martin (1980) :
[…] Les évidences ethnographiques et archéologiques nous indiquent l’importance de certains cervidés dans le régime alimentaire des familles [autochtones] : l’orignal chez les Micmacs, le cerf de Virginie chez les Iroquois, et le caribou des bois chez les Montagnais, les Naskapis, les Cris et les Chippewas. Cette constatation générale vaut surtout pour les quatre derniers siècles […]
Quel qu’en fut l’usage chez les peuples habitant la haute vallée du Saint-Laurent, ce fut surtout chez les hommes du Nord (Montagnais-Naskapis-Cris) que se développa la « culture » du caribou », c’est-à-dire une civilisation matérielle où ce cervidé formait la principale source d’alimentation carnée et où le reste de sa dépouille […] était converti de mille manières.
— Martin 1980, p. 160-61
Dans le livre « Les Premières Nations du Canada » (1996), voici ce dont il est mention concernant les Innus (Montagnais et Naskapis) et leur relation respective au caribou et à l’orignal :
Montagnais et Naskapis possèdent en commun une culture archaïque fondée sur l’économie de la taïga. Les Naskapis du Labrador exploitent les ressources de la mer aussi bien que le caribou; habitant les denses forêts de l’intérieur, les Montagnais comptent principalement sur l’orignal (élan d’Amérique) en hiver et sur la pêche en eau douce en été.
— Dickason 1996, p. 96
À noter qu’il y est aussi fait référence à la relation étroite entre les Inuits et le caribou.
Dans une synthèse comparative de près de 700 pages intitulée « Indians of North America » (Driver 1961), il est mentionné ceci concernant les moyens de subsistance dans la zone « sub-arctique » (zone couvrant l’essentiel du Québec) :
Les peuples de la région subarctique, de l’intérieur de l’Alaska, à l’ouest, jusqu’à l’océan Atlantique, à l’est, se nourrissaient principalement de viande de caribou et d’orignal. Bien que les deux espèces animales soient présentes ensemble dans de nombreuses régions, le caribou prédomine dans le nord et l’orignal dans le sud. De même, les neuf espèces [écotypes] de caribous sont souvent divisées en deux catégories : les caribous de la toundra sans arbres en été et les caribous des bois, confinés toute l’année dans les régions boisées plus au sud. — Driver 1961, p. 25 [traduction avec Deepl]
Pour la petite note concernant cette dernière référence, j’ai la première édition. Une seconde édition, révisée, fut éditée en 1969. Grâce à la version électronique publiée en 2011, j’ai pu vérifier que le texte cité n’avait pas changé (p. 56).
Dans une autre synthèse encyclopédique intitulée « Indians of North America » (Turner 1992), on retrouve la Figure ci-dessous concernant la principale source de nourriture dans les différentes régions de ce continent.
Bilan 17e siècle
À l’arrivée des Français, il est assez clair que seul le caribou migrateur (au nord) était assez abondant pour que des nations autochtones orientent leur mode de vie vers cette espèce (écotype). Quant au caribou forestier, sa présence peut être qualifiée « d’élusive ». À tout le moins, il n’était pas en assez grand nombre pour que des nations autochtones « misent » sur cette espèce afin d’assurer leur sécurité alimentaire.
Au 19e siècle, ce portrait concernant le caribou forestier avait clairement changé.
19e siècle : abondance et boucherie
Je débuterais ici par le regard que portent Courtois et collab. (2003) sur l’histoire du caribou forestier entre l’arrivée des premiers colons français et 1850.
Au Québec, les premiers explorateurs ont noté la présence du caribou sur les deux rives du fleuve Saint-Laurent, de l’emplacement actuel de la ville de Québec […] à Gaspé […], et sur tout le plateau laurentien, au centre de la péninsule Québec-Labrador […]. Au départ, le caribou était peu exploité, mais la chasse s’est intensifiée au cours du XIXe siècle avec l’augmentation de la population humaine et l’avancée des colons dans l’arrière-pays. Le caribou avait disparu de la vallée du Saint-Laurent en 1850 […]
— Courtois et collab. 2003, p. 401 [traduction avec Deepl]
Entre les 17e et 19e siècles, seule la population humaine semble s’accroître par le biais de la colonisation. Les Premières Nations sont quant à elles complètement absentes; ce qui est en soi une insulte aux premiers humains ayant habité ce continent.
Concernant le caribou forestier, il y a aussi quelque chose qui cloche. Je vous présente tout d’abord la citation suivante tirée de Martin (1980). Je souligne qu’elle fait partie d’une section intitulée «Un demi-siècle de boucherie» dans le chapitre consacré au caribou. Une « boucherie » associée au rôle de la chasse sur le déclin des populations de caribous dans la deuxième moitié du 19e siècle et le début du 20e.
[…] À l’aube du 20e siècle, l’Amérique entière était plus que jamais la terre du pillage et du gaspillage. Voici comment disparurent, en moins de quinze ans, les 10 000 têtes du vaste troupeau de caribous du Parc des Laurentides (créé ironiquement pour les protéger) : «Ça passait pendant des jours. On tuait ça par centaines. On chargeait des hommes de langues de caribou [en italique dans le texte]. Il suffisait de commencer par abattre les chefs de file, et quand on savait s’y prendre, on pouvait abattre toute une harde. […] des tueries semblables se répétèrent à la grandeur du Québec, portant le coup final à des animaux dont l’habitat, comme une peau de chagrin, rétrécissait sans cesse depuis déjà un siècle.
— Martin 1980, p.167
Moisan (1956) fait aussi référence à de grands succès de chasse au caribou forestier (ou montagnard) dans la 2e moitié du 19e siècle et le début du 20e siècle.
Dans la province de Québec, la chasse au caribou se pratiquait aussi au sud que Montréal, vers 1875. La première loi concernant cette chasse fut passée en 1885, et elle limitait le chasseur étranger à cinq caribous seulement. En 1895, le Parc des Laurentides fut créé dans le but de protéger le caribou, et on estimait alors que cette région abritait 10 000 bêtes. On y toléra la chasse jusqu’en 1927, alors qu’elle fut définitivement prohibée. Dans les rapports annuels du Département de la Chasse et de la Pêche, on mentionne pour la première fois en 1913 une diminution alarmante dans le cheptel caribou. Dès 1920, en dépit de l’établissement du Parc, le caribou avait presque complètement disparu de cette région, pour des raisons inconnues, et il n’est jamais revenu en nombre appréciable.
[…] On permit de nouveau la chasse au caribou en Gaspésie en 1934, mais en 1937, le Parc de la Gaspésie fut établi et toute chasse fut défendue dans les limites du Parc. Enfin la chasse au caribou fut prohibée en 1949 dans toute la province, et elle l’est encore.
Il nous fut impossible de trouver des données exactes sur les fluctuations de cette population de caribous. D’après les vieux guides qui ont trappé et chassé en Gaspésie depuis cinquante ans, le caribou se chassait autrefois dans toute la péninsule. Entre 1900 et 1915, on l’expédiait «au char». […]
— Moisan 1956, p. 231
Bilan 19e siècle
Au 19e siècle, le caribou forestier apparaît très abondant.
Pour mesurer cette abondance, on peut d’abord faire valoir que pendant de nombreuses années, il n’y eut aucun quota de chasse ou presque (« étrangers » à cinq caribous).
Aussi, l’évaluation d’une population de 10 000 caribous forestiers dans le Parc des Laurentides (aujourd’hui « Réserve faunique ») doit être qualifiée de « fabuleuse ». Pour donner la mesure de ce chiffre, dans l’actuel Plan de rétablissement du caribou forestier au Québec 2013-2023, l’objectif est d’atteindre une population minimale de… 11 000 caribous! Au 19e siècle, ce chiffre aurait été atteint pour le seul Parc des Laurentides!
Face à une telle abondance de caribous forestiers, il est difficile d’imaginer que les premiers commentateurs de l’époque comme Sagard et Boucher se seraient essentiellement limités à noter sa présence. Il est aussi difficile de concevoir qu’aucune nation autochtone n’aurait eu le caribou forestier comme principale diète alimentaire.
Bien que Courtois et collab. (2003) n’en font pas mention, les populations de caribous forestiers se sont à l’évidence fortement accrues entre les 17e et 19e siècles.
Des conditions de croissance des populations de caribous forestiers
Quelles sont les raisons ayant favorisé un tel accroissement des populations de caribous forestiers entre les 17e et 19e siècles? Une espèce réputée pour se reproduire lentement (1 faon/femelle/an).
Comme je l’argumentais dans mon premier texte sur le sujet, l’effondrement des populations humaines, qui gardaient « sous contrôle » celles des caribous forestiers, doit être placé en tête de liste. Il y a aussi les campagnes d’éradication des loups qui ont contribué à cet accroissement. Les loups sont des prédateurs de premier plan du caribou forestier.
J’ajouterai ici une variable climatique.
Du 17e siècle jusqu’au milieu du 19e siècle, nous étions dans le Petit Âge Glaciaire. Une période de refroidissement climatique qui s’est étendue de l’an 1350 à 1850. C’est dire qu’il prévalait alors des conditions climatiques favorisant la présence de résineux; ces derniers représentant l’habitat de prédilection du caribou forestier.
Des caribous forestiers et des Hommes
Les caribous et les humains sont intimement liés depuis des millénaires. Or, notre grande stratégie pour promouvoir le caribou forestier, l’écotype dont il est le plus question dans l’actualité, est de le séparer au maximum des humains. Être en rupture avec des milliers d’années de coexistence humains-caribous est-il vraiment synonyme de promotion de la biodiversité?
Cette stratégie est clairement influencée par la perception de la très grande aire de répartition et l’abondance de cette espèce animale au 19e siècle. Or, la situation des populations du caribou forestier à cette époque avait été influencée par deux siècles d’effondrement des populations de ses principaux prédateurs : l’humain et les loups. Et à cela, il faut ajouter le contexte climatique favorable.
Il m’apparaît donc essentiel que notre stratégie de rétablissement du caribou forestier intègre à la fois les variables climatiques et historiques.
Pour la première, il faut prendre conscience que même sans influence humaine directe, l’aire de répartition du caribou forestier est destinée à aller vers le nord. Il convient donc de se poser des questions sur le futur des hardes de Val-d’Or et de Charlevoix, soit celles les plus au sud. Le Plan de rétablissement réfère d’ailleurs à celle de Val-d’Or comme étant une « relique » (p. 6). Quant à celle de Charlevoix, elle est en fait le fruit d’efforts de réintroduction datant du début des années 1970.
Pour la variable historique, il faudrait revenir à une logique de cohabitation humains-caribou forestier. Certes, le caribou forestier ne serait pas des plus abondants, mais c’est dans la nature de cette relation millénaire avec l’humain.
Bibliographie
BOUCHER, P. 1664. Histoire véritable et naturelle des mœurs et productions du pays de la Nouvelle-France vulgairement dite le Canada. Septentrion, 2014. Québec. 193 pages.
COURTOIS, R., OUELLET, J. P., GINGRAS, A., DUSSAULT, L., BRETON, L., & MALTAIS, J. 2003. Historical Changes and Current Distribution of Caribou, Rangifer tarandus, in Quebec. The Canadian Field-Naturalist 117 :399–414.
DICKASON, O. P. 1996. Les Premières Nations du Canada. Septentrion, Édition française. Traduit de l’anglais par : Jude Des Chênes. Québec. 511 pages.
DRIVER, H. E. 1961. Indians of North America. University of Chicago Press, 668 pages.
GUILDAY, J. E. 1968. Archaeological evidence of caribou from New York and Massachusetts. Journal of Mammalogy 49(2): 344–345.
MARTIN, P. -L. 1980. Histoire de la chasse au Québec. Boreal Express, Montreal. 281 pages.
MOISAN, G. 1956. Le caribou de Gaspé I. Histoire et distribution. Le Naturaliste Canadien 83 (10) : 225-234.
SAGARD, G. 1632. Le grand voyage au pays des Hurons. Bibliothèque Québécoise, 2007. 407 pages.
TURNER, G. 1992. Indians of North America. Sterling Publishing Company Incorporated, 261 pages.
Bonjour Éric, je pensais que ton titre référait à cet ouvrage :
Des caribous et des hommes : l’histoire de la réintroduction du caribou dans les Grands Jardins, 1963 à 1973 https://cap.banq.qc.ca/notice?id=p::usmarcdef_0000343538
Les fluctuations historiques du caribou forestier que tu présentes sont, de mon point de vue, des hypothèses à confirmer ou à infirmer avec des recherches plus approfondies. Néanmoins, je trouve intéressant que ces hypothèses soient formulées.
Au plaisir,
FB
Bonjour François ! 🙂
Concernant le titre de ma chronique, le document que tu me cites en référence m’a peut-être inspiré, car je l’ai actuellement en ma possession (emprunté de la bibliothèque) ! Mais c’est vraiment le titre le plus adapté à mon texte ;)
Je n’ai pas qualifié mes analyses et réflexions. Toutefois, si l’on doit leur apposer l’étiquette « Hypothèse à vérifier », j’apposerais celle de « Idées à développer » à tout le volet historique à la base du « Plan de rétablissement 2013-2023 » et qui est tiré de Courtois et collab. (2003). Des idées que j’ai justement développées en utilisant les mêmes références que Courtois et collab. (2003). En ce sens, j’estime humblement que c’est plus avancé comme niveau de compréhension de l’histoire commune entre les humains et les caribous 🙂
Merci du commentaire !
Eric 🙂