C’est une première. Pour cette chronique c’est un évènement à venir qui a suscité mon intérêt. Un évènement qui aura lieu ce soir (jeudi le 3 février) en fait, soit la Chaire publique de l’Aelies (Association des étudiantes et étudiants de Laval inscrits aux études supérieures). Les Chaires publiques sont des séries de conférences sur des grands enjeux de société. Le thème de ce soir : « La forêt québécoise : conservation ou exploitation ? ». Je dois avouer qu’au premier abord j’ai été agacé par le titre qui présente la question forestière québécoise sur la base de cette dichotomie. Mais il y avait quelque chose de plus profond qui m’agaçait. Et c’est là que j’ai pris le temps de lire (relire dans un cas) deux articles qui posaient cette même question mais avec une vision à l’échelle planétaire.
Eric Alvarez
Les bases de l’aménagement forestier : ou comment éviter une autre Commission d’étude
L’intérêt de base de ce blogue est d’apporter une contribution à la réflexion sur l’aménagement forestier au Québec. Mais, qu’est-ce que l’aménagement forestier? Pour avoir une réponse à cette question, je me suis tourné à nouveau vers M. Baskerville. L’article en question Understanding Forest Management (août 1986, The Forestry Chronicle : 339-347) est basé sur une question forestière « simple », à savoir : comment l’aménagement forestier pouvait-il contribuer à la production de matériel brut (raw material) de haute qualité à coût raisonnable dans les forêts canadiennes? C’est un article que je verrais très bien au curriculum d’un étudiant de premier année en aménagement forestier. Malgré sa simplicité et son âge, cet article apporte cependant des éléments de réflexion qui pourraient être très utiles aujourd’hui.
La fin de l’aménagement écosystémique ? Leçons de l’aménagement des forêts nationales américaines
Un des grands principes à la base de l’aménagement écosystémique, soit l’idée de préserver une diversité d’écosystème et d’espèces (principe du filtre brut), est en train de prendre la voie de garage dans la définition des futures règles pour l’aménagement des forêts nationales américaines. Par quoi cela va-t-il être remplacé? Si la discussion est ouverte, les nouveaux mots d’ordre sont : restauration et résilience. En particulier, restauration des écosystèmes dont la dynamique de feu a été altérée et résilience face aux changements climatiques et ses conséquences : épidémies d’insectes plus sévères, sécheresses accrues et autres. Une raison particulière : préserver la qualité de leur eau. Petit retour historique pour comprendre comment le USDA Forest Service en est venu là.
L’Ontario : ancienne et future référence dans l’aménagement de nos forêts publiques?
L’Ontario fut une de nos références dans l’établissement de la Loi sur les Forêts de 1986 qui institua les CAAF (Contrats d’Approvisionnement et d’Aménagement Forestier). Aujourd’hui, tout comme au Québec, cette province est en plein processus de transformation de sa politique d’aménagement des forêts publiques qui verrait la disparition de leurs Permis d’Aménagement Forestier Durable (PAFD, l’équivalent de nos CAAF). Toutefois, contrairement au Québec où le Gouvernement souhaite reprendre en main tout l’aménagement forestier, l’Ontario s’oriente vers l’établissement de Sociétés d’aménagement forestier locales (Local Forest Management Corporations, site officiel du projet), une voie explorée par le Québec avant de rejeter l’idée. Petit état de la situation.
Indonésie P.Q.
La grande mission de ce blogue est de garder les “antennes” ouvertes sur l’actualité forestière de l’extérieur du Québec pour mieux réfléchir à l’aménagement forestier d’ici. Les chroniques récentes que j’ai faites sur les enjeux internationaux des forêts tenaient beaucoup au caractère exceptionnel du dossier de The Economist. Donc, lorsque suite à ces dernières chroniques j’ai reçu un courriel (en français) d’une représentante d’Asia Pulp & Paper me référant à un rapport de Greenspirit Strategic Ltd concernant leurs travaux en Indonésie : 1- j’ai été très surpris et quelque peu flatté (mon blogue s’est rendu loin!), 2- indécis et inquiet : traiter une nouvelle fournie par l’industrie… je pouvais anticiper les tomates virtuelles sur mon blogue! 3- je ne connais pas l’Indonésie et faire des liens avec le Québec risquait d’être chose difficile voire impossible.
J’ai donc commencé par chercher à comprendre le dossier pour voir dans quelle mesure je pouvais “traiter” cette information (d’où un délai plus long pour produire cette chronique…). En résumé : il est question d’une compagnie papetière (Asia Pulp & Paper) accusée par des groupes environnementaux, Greenpeace en particulier, de détruire l’écosystème forestier indonésien qui est essentiellement sous juridiction publique. Remplacez le nom de la compagnie par AbitibiBowater et “indonésien” par “québécois”, et vous êtes en terrain très connu! De fait, la stratégie et les arguments de Greenpeace apparaissent fondamentalement les mêmes quel que soit l’écosystème : des images fortes (des coupes), une espèce animale menacée (le tigre de Sumatra, “notre” caribou des bois), un débat sur le bilan de carbone et une campagne axée sur le boycott par les clients de cette compagnie (pour plus de détails : Pulping the Planet et Empires of Destruction). Donc “oui”, il y avait certainement une chronique à faire et trois éléments sont ressortis du lot, soit : le constat de Greenspirit Strategic Ltd, la réaction d’Asia Pulp & Paper face à cette campagne et une petite réflexion sur notre perception du rôle de l’industrie forestière dans notre histoire. Je vais essayer d’être aussi “synthétique” que possible!
Lire la suite
Forêt publique : sommes-nous de bons propriétaires?
Il y a les articles intéressants et il y a ceux qui sont une coche au-dessus, ceux qui deviennent un « classique » de nos références. Un gros merci à Jacques Gravel (MRNF) de me l’avoir fait découvrir.
Il s’agit de « Management of Publicly Owned Forests« , un article de M. Gordon Baskerville publié dans Forestry Chronicle en juin 1988. Un article qui pose à la fois un regard sur le passé de l’aménagement des forêts publiques au Canada et sur leur futur; un futur dans un contexte où divers gouvernements provinciaux venaient de mettre en place des politiques amenant un plus grand contrôle de l’État dans l’aménagement des forêts publiques. Cette article mériterait d’être (re)lu aujourd’hui par quiconque s’intéresse à la question de l’aménagement de nos forêts publiques. Je vais résumer au mieux.
Tout d’abord, un constat brutal : le « public », en tant que propriétaire des forêts publiques, s’est comporté en propriétaire de taudis (« slum landlords« ). Il a grandement profité des revenus de la forêt sans réinvestir dans cette dernière (l’argent servant à l’éducation, la santé, … de bonnes causes en soi!). En fait, il en arrive au chiffre ahurissant que le public a tiré un profit net de 95% de l’aménagement des forêts.
Malgré toutes les promesses, espoirs et bonnes intentions placés dans les nouvelles lois, M. Baskerville se gardait une réserve quant aux résultats de ces lois car :
1- Une loi, ce sont des mots sur du papier. Les formes qu’elle peut prendre sur le terrain vont être très diversifiées.
2- Pour prendre la pleine mesure de l’effet d’une loi sur une forêt, il faut au moins une révolution (il l’estimait à environ 80 ans).
Le FSC : seul programme de certification dans LEED?
[Mise à jour le 16 décembre 2010 – Finalement, FSC reste la seule référence dans LEED… pour l’instant. Le dossier est loin d’être clos et comporte bien des ramifications. Cet article résume bien la situation.]
Ah, les acronymes! Que serions-nous sans eux? ; )
FSC pour Forest Stewardship Council. C’est le seul programme de certification d’un territoire forestier accepté par les groupes environnementaux. LEED pour Leadership in Energy and Environmental Design. Ce n’est pas le seul mais certainement le plus reconnu des programmes de certification environnementale pour les bâtiments. Une certification qui s’acquiert par le biais d’une grille d’analyse selon cinq principaux points. L’utilisation du bois est incluse dans la catégorie “Materials & Resources” qui vaut généralement 13 ou 14 points / 110 (100 de base + potentiel de 10 points bonis; la grille évolue selon le type de construction). Actuellement, seul le bois du programme de certification FSC semble accepté (l’article qui m’a aiguillé sur ce sujet). Cela pourrait toutefois changer très bientôt.
Réflexion « post – The Economist » : Mettons-nous trop d’efforts à protéger la forêt boréale ?
J’insiste… : ) Le dossier de The Economist mérite un réel détour pour quiconque veut avoir une vue d’ensemble sur les enjeux internationaux touchant les forêts. Dans mes trois dernières chroniques, je n’ai fait que résumer au mieux les principales idées. J’ai dû toutefois laissé de côté plusieurs éléments très intéressants pour éviter un allongement exponentiel de mes chroniques.
Un premier constat : la déforestation à l’échelle planétaire est un problème qui demande une solution globale qui dépasse la seule question environnementale. De fait, la pauvreté est au coeur du problème. Comme le mentionnait le Président sortant du Brésil Lula Da Silva à la Conférence de Copenhague “I don’t want any gringos asking us to let an Amazon resident die of hunger under a tree”. En tant que pays riche, on ne peut pas se contenter de voeux pieux si on souhaite vraiment préserver les forêts tropicales humides. Il faudra que l’on y mette de l’argent! Et si la Norvège, grâce à son pétrole, apparaît comme le premier leader dans le domaine, il n’y a aucune raison, sauf celle de la volonté politique…, pour que le Canada ne puisse faire de même considérant l’abondance de ses ressources gazières et pétrolières.