L’Ontario : ancienne et future référence dans l’aménagement de nos forêts publiques?
L’Ontario fut une de nos références dans l’établissement de la Loi sur les Forêts de 1986 qui institua les CAAF (Contrats d’Approvisionnement et d’Aménagement Forestier). Aujourd’hui, tout comme au Québec, cette province est en plein processus de transformation de sa politique d’aménagement des forêts publiques qui verrait la disparition de leurs Permis d’Aménagement Forestier Durable (PAFD, l’équivalent de nos CAAF). Toutefois, contrairement au Québec où le Gouvernement souhaite reprendre en main tout l’aménagement forestier, l’Ontario s’oriente vers l’établissement de Sociétés d’aménagement forestier locales (Local Forest Management Corporations, site officiel du projet), une voie explorée par le Québec avant de rejeter l’idée. Petit état de la situation.
Le gouvernement ontarien annonça dans le budget de mars 2009 son intention de réviser son régime de tenure forestière et d’établissement des prix afin de créer un “climat propice pour assurer la prospérité des entreprises ontariennes vivant des ressources forestières”. Cela fut suivi en août 2009 du dépôt d’un document de discussion stratégique et d’une première ronde de consultation. De cette consultation fut produit un deuxième document en 2010 avec une seconde ronde de consultations s’étant complétée le 29 juin 2010. Le gouvernement ontarien est toujours à analyser les commentaires reçus. J’ai fait une demande pour avoir quelques informations informelles sur le déroulement des consultations mais je n’avais eu aucune réponse au moment de “mettre sous presse”.
(Source: Gouvernement de l’Ontario)
Lorsque l’on consulte les deux documents produits, il est frappant de constater les analogies avec le Québec tant dans la place qu’occupe le monde forestier dans l’économie et l’histoire de cette province que dans les constats sur la situation actuelle et les directions à prendre. En particulier, il y a le constat que les PAFD s’avèrent peu flexibles pour assurer l’entrée de nouveaux joueurs dans une industrie forestière en crise. Il y a donc une volonté, comme au Québec, d’ouvrir le jeu. De même, comme au Québec, les termes “bois d’ingénierie” et “nanotechnologies” sont à l’ordre du jour. Finalement, les deux provinces ont mis de l’avant la création de Sociétés d’aménagement forestier locales gérées par des conseils d’administration laissant place aux intervenants locaux.
La grande différence? Les Sociétés ontariennes seraient tenues de s’autofinancer. À moins que cela ne m’ait échappé, même après relecture, il n’y avait rien de tel dans le projet québécois. Une autre différence entre le projet québécois et ontarien est que chacune des Sociétés ontariennes aurait la responsabilité de mettre en marché le bois via négociation ou enchères. Pour l’instant, il n’y a pas de Bureau pour la mise en marché du bois de prévu. Comme au Québec cependant, il est visé qu’au moins 25% du bois soit mis aux enchères et que ce prix déterminera le prix du bois alloué via négociation.
Dans les points de “détails” du projet ontarien, mentionnons qu’il est prévu que de 10 à 15 zones de gestion (Unité d’aménagement) seraient établies, chaque zone étant aménagée par une Société d’aménagement. Si vous considérez qu’actuellement il y a 28 millions d’hectares aménagés via 46 unités de gestion, vous pouvez imaginer que chaque Société d’aménagement aura un énorme territoire à aménager. Parmi les éléments qui guideront la délimitation des zones de gestion, citons (non exhaustif) : assurer un approvisionnement adéquat en bois pour une entité commerciale autosuffisante viable, répondre aux conditions locales et aux collectivités existantes et refléter les limites écologiques et du paysage.
Le principe de Sociétés d’aménagement a des partisans de longue date. L’établissement de Sociétés d’aménagement était un élément-clé du tome 2 du Livre Vert de 1972 sur l’aménagement des forêts publiques. Cela faisait partie de la stratégie pour révoquer les concessions forestières. Le projet a débuté mais, selon les informations que j’en ai, a avorté pour une questions de coûts. Si le projet québécois de 2008 a également avorté, il ne faut pas croire pour autant que le débat est arrêté sur la question. Au Québec, plusieurs personnalités et groupes influents se sont aussi prononcés récemment en faveur de cette approche comme M. Beauregard (doyen de la Faculté de foresterie, Géographie et Géomatique de l’Université Laval) et Nature Québec. Un article récent dans Forestry Chronicle allait dans ce sens (Rotherham. 2010. 86(5): 597-600). Je suis personnellement pour cette approche dans une optique ontarienne d’autofinancement mais je ne rentrerai pas ici dans un débat de forme! Toutefois, dans le contexte actuel où le gouvernement s’engage à assumer toutes les responsabilités et coûts de planification, alors qu’en parallèle les conditions budgétaires gouvernementales sont serrées, la question de la forme va nécessairement se poser plus tôt que tard. Commencer à y penser avant 2013 n’est certainement pas un luxe!