Élections — Québec 2014: un Royaume pour un ministère
Alors que cette campagne électorale s’achève, que retenir des enjeux forestiers qui y ont été soulevés?
Il faut certainement parler de Greenpeace dont la bannière sur la croix du Mont-Royal pour dénoncer Produits Forestiers Résolu n’est pas passée inaperçue. Une action qui a amené une réponse du Conseil de l’Industrie Forestière du Québec (CIFQ).
Ce dernier ne fut cependant pas seulement dans la réaction. Sans être aussi spectaculaire que Greenpeace dans la forme, le CIFQ l’a été dans sa demande de voir la possibilité forestière maintenue ou accrue. Pour cela le CIFQ a mis en ligne une pétition pour faire pression sur les politiciens malgré le fait qu’en théorie, c’est le Forestier en chef qui propose des niveaux de possibilité forestière au ministre responsable.
Bien qu’il soit vieux d’à peine un an, on ne peut aussi passer à côté du fait que le nouveau régime forestier fut vertement critiqué durant cette campagne électorale. D’abord par la Fédération québécoise des coopératives forestières qui a dénoncé tant le Bureau de mise en marché des bois que l’inefficacité dans les processus de planification forestière. Mais la critique la plus dure, et certainement la plus dramatique, est venue cette semaine de Maniwaki (Haute-Gatineau), où la nouvelle Loi est pointée du doigt comme la responsable dans la fermeture d’une scierie de Produits Forestiers Résolu. Un total de 80 employés vont perdre leur emploi. Dans une petite communauté comme Maniwaki, c’est là une réelle catastrophe.
Si ce sont tous des évènements qui mériteraient une attention en propre, dans cette chronique je vais m’attarder sur l’élément le plus « spectaculaire » qui pourrait ressortir de cette campagne électorale pour l’aménagement des forêts, soit la promesse par le Parti Libéral du Québec (PLQ) de créer un ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. Cette idée d’un ministère, le chef du PLQ, M. Philippe Couillard, l’avait exprimée lors du Rendez-vous de la forêt québécoise. Ce n’est donc pas une surprise. Mais est-ce une bonne idée?
Avant de m’attarder à la Forêt, un petit mot toutefois sur les autres domaines de cet éventuel ministère. La Faune est une division ministérielle qui voyage beaucoup. De ma courte mémoire (merci de corriger au besoin), elle a été au ministère de l’Environnement et de la Faune, elle a ensuite été transférée au Ministère des Ressources naturelles (avec la Forêt) et, avec l’arrivée du Parti Québécois au pouvoir en 2012, elle est retournée au ministère de l’Environnement. S’il n’y a pas de vérité absolue, d’un point de vue « aménagement forestier » il est cependant beaucoup plus logique de regrouper la Faune avec la Forêt qu’avec l’Environnement.
Pour la fusion avec les Parcs, je suis très surpris je dois dire. C’est une idée que je qualifierais « d’audacieuse », mais j’ai de la difficulté à cerner la vision en arrière de ce choix; les missions de la Forêt (aménagement) et des Parcs (protection) étant a priori antagonistes.
Mais revenons à l’idée d’un ministère pour les Forêts du point de vue de l’aménagement forestier (avec ou sans la Faune et les Parcs)…
Tout d’abord, je peux comprendre en tant que forestier qu’avoir un ministère pour nous « représenter » peut flatter l’ego dans le sens du poil. Mais une attitude plus humble est requise pour quiconque souhaite aménager des forêts. On n’aménage pas une forêt pour se faire remarquer. Pour bien aménager une forêt, cela prend une vision claire et un engagement à long terme, souvent dans l’ombre, pour appliquer cette vision. Ma précédente chronique sur l’aménagement des terres du Séminaire à Québec en est un bon exemple. La « foresterie-limousine » ne m’apparaît donc clairement pas comme une philosophie d’aménagement très porteuse à long terme.
Ajoutons à cela que la présence d’un ministre à temps plein est loin d’être l’idéal pour donner une vision claire. Un ministre reste rarement en poste plus d’un mandat (4 ans) et, pendant cette période de temps, il cherche généralement à laisser sa marque, à réformer ce qu’a fait son prédécesseur; les changements de gouvernement ne faisant qu’exacerber cet état de fait.
Ensuite, s’il est naturel d’avoir le sentiment que la création d’un ministère des Forêts est synonyme d’une valorisation de l’aménagement, qu’en est-il vraiment? Quelques extraits de déclarations de M. Couillard associées à la création de ce ministère laissent plutôt présager que l’aménagement forestier ne sera pas très haut dans la mission de cette nouvelle structure:
« Depuis des mois, je parcours le Québec et je rencontre des travailleurs forestiers, des entrepreneurs, des dirigeants d’usines qui ont besoin d’un coup de pouce du gouvernement pour assurer leur avenir. […] »
Aussi
« […] Pour moi, c’est très clair, jamais je ne sacrifierai les emplois de l’industrie forestière pour un caribou. »
Le CIFQ a, je pense, bien résumé la vocation d’un futur ministère des Forêts dans un communiqué:
« Nos principaux enjeux sont l’engagement à maintenir et/ou d’accroître la possibilité forestière […] et aussi une reconnaissance de l’importance de l’industrie forestière par la création d’un ministère des Forêts. »
Et au fond, il ne faut pas s’en surprendre ou s’en offenser, qui dit « ministre », dit porte d’entrée officielle pour du « lobbyisme ». Et je dois préciser que je n’utilise pas ce mot dans un sens péjoratif. Dans une vie démocratique, il est normal qu’un ministre soit sollicité par différents groupes de pression. C’est dans la nature de la vie politique.
Mais le problème ici, c’est que l’aménagement ne devrait pas être aussi étroitement lié au politique, qui lui serait engagé dans de constantes négociations avec l’industrie de la transformation. N’oublions pas qu’un des arguments clés qui a mené à la réforme de la politique forestière fut de séparer l’aménagement forestier de la transformation…
En fait, un ministre responsable de l’aménagement des forêts ne devrait jamais (ou le moins possible) parler avec l’industrie. Je ne dis pas que le gouvernement ne devrait jamais parler avec l’industrie (!), mais seulement la branche responsable de l’aménagement. Il y a d’autres branches à vocation économique qui peuvent représenter la porte d’entrée de l’industrie.
Et au risque d’être mal interprété, je n’ai aucun problème avec l’industrie forestière. Le meilleur aménagement forestier que j’ai rencontré (pour l’instant) en forêt publique fut le fait d’un concessionnaire forestier (Consolidated Paper Corporation Ltd) qui avait justement séparé ses divisions de l’aménagement et de la transformation (opérations forestières).
Une structure gouvernementale plus adaptée à l’aménagement des forêts publiques serait de regrouper les fonctionnaires liés à cette tâche dans une Agence (ou autre structure) gérée par un conseil d’administration. Certes, la Mission de cette Agence serait établie par le gouvernement, mais en distançant la politique de l’aménagement, on pourrait s’attendre à ce que la Mission ne soit pas redéfinie à chaque changement de ministre tout en créant une distance avec le monde de la transformation. Et si c’est moins « glamour » qu’un ministère, la stabilité que cela apporterait permettrait la mise en place d’une stratégie à long terme.
Finalement, si besoin en était, la présente campagne électorale a surtout prouvé que pour les politiciens la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier ne tenait qu’à un seul et unique article: « La forêt doit créer des emplois ». Et dans Roberval, le comté le plus forestier du Québec (dixit l’actuel député Denis Trottier — adjoint parlementaire aux Forêts), cet article de loi (non-écrit) est maître. Et quand, comme M. Couillard, on veut devenir député de ce comté et Premier ministre, un ministère des Forêts apparaît comme un geste logique.
assez surprenant que le plus gros moteur économique du québec n`ait pas son propre ministre !!!! Par contre, sous un gouvernement libéral, les ministres délégués aux forêts onnt toujours été néfaste pour la foret privée.
Aussi, qui va mettre ses culottes et faire respecter le principe de résidualité. Ce principe prévoit que les indutries doivent s`approvisionner en premier lieu chez les producteurs privés. Actuellement , les producteurs et travailleurs de la forêt privée crève de faim parce que son concurrent directe est son propre gouvernement qui vend à rabais le bois des terres publiques.
La faune est un ministère moribond, en manque flagrant de personnel et de budget, ce secteur ne peut dégager plus d’une personne par région et parfois à temps partiel pour s’occuper du dossier forestier en fonction de la faune. Le secteur des Parcs, excluant la SEPAQ, n’est pas non plus un organisme riche en ressources. Le secteur des forets a énormément de personnel et des budgets mirobolants. Afin d’orienter la réflexion sur le bienfondé de la création d’un ministère Forêt,Faune et Parc, il serait intéressant que quelqu’un présente sur ce blogue les trois organigrammes de ces trois organismes, le nombre d’employés et les budgets alloués à chacun des secteurs. On pourrait alors visualiser facilement le rapport de force entre ces trois secteurs. Du côté des forets, il ne faudrait pas oublier d’inclure les organismes satellites dont les budgets proviennent du secteur forêt tel le bureau du forestier en chef, le bureau de mise en marché du bois, Rexforêt, l’association forestière ainsi que les budgets des CRRNT et des syndicats de producteurs de bois et autres organismes subventionnés par le secteur forêt. Avec une présentation claire des ressources humaines et monétaire de ces trois secteurs, on pourrait mieux comprendre l’enjeu de regrouper ces deux entités et le rapport de force qui s’établira dans un Ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs.
D’accord avec Jean en ce qui concerne la forêt privée. On devrait chiffrer le coût réel du bois récolté en forêt publique en y incluant tous le coûts absorbés par la population québécoise tels le budget complet du Ministère des forêt (salaire, fonctionnement, chemins, reboisements, traitement sylvicoles, insectes, crédits d’impôts aux compagnie etc) et le comparer avec le prix versé aux producteurs privés qui n’ont pas changé depuis plus de vingt ans. On nous promet électoralement un retour d’une partie des redevances forestiers pour les régions mais on ne le chiffre pas. Les meilleures retombés pour les régions seraient certainement d’établir un prix du bois de la forêt privé réaliste par rapport au vrai prix du bois récolté en forêt publique et d’appliquer le principe de résidualité. L’argent versé aux producteurs locaux irait directement dans l’économie des régions et revitaliserait nos communautés.
Afin de contrer ce principe de résidualité, les normes de façonnage exigées par l’industrie prive les petits producteurs de revenus car on a pas tous les volumes de bois pour investir dans la machinerie nécessaire pour respecter les exigences de la mise en marché. Pourquoi ne pas obliger les compagnies de pâte à accepter la production en 4 pieds comme par le passé ( le bois fini de toute façon en »chips », plusieurs petits producteurs pourraient ainsi tirer de meilleurs revenus de leurs lots.