Commentaire

L’héritage empoisonné de <em>L’Erreur boréale</em> — 6 commentaires

  1. Bonjour M. Alvarez,
    J’aime toujours vous lire aussi. Ce texte est intéressant.

    J’aimerais savoir comment en êtes vous venu à la description de l’aménagement écosystémique de la sorte (lorsque vous comparé en 5 étapes avec l’aménagiste). Quels sont les indices qu’il ne s’agirait pas d’un autre raisonnement
    par exemple :
    1-Où veut-on aller ? (vision: Revenir aux conditions préindustrielles (« naturelles »))
    2-Jusqu’à quand remontent nos informations historiques ? qu’est-ce qui nous dit qu’il n’ont pas considéré avant et après l’industrialisation et qu’il n’a pas été déterminé qu’il s’agissait d’un point de rupture?
    3-Quels évènements ont depuis influencé la forêt ? Qu’elle est l’importance de ces modifications face à d’autre évènement (exemple les feux des amérindiens)
    4-Quelle est la dynamique créée par les évènements passés ?
    5-Comment la dynamique passée peut-elle influencer notre vision ? (revenir à la forêt précoloniale (concept qui devrait forcement évoluer entre autre pour mieux intégrer les changements climatiques)
    Mais peut-être y avait-il d’autres logiques de la part de ceux qui l’ont proposé. Avons nous d’autres informations sur ce sujet? Bref, je me dis que ces gens ont forcément un argumentaire derrière leur proposition.
    Merci de me répondre et je continuerai à vous lire
    Au plaisir

    • Bonjour M. Bradette 🙂

      Notre définition de l’aménagement écosystémique est celle du « filtre brut », un concept qui a gagné en popularité au tournant des années 1990. C’est un concept basé sur l’hypothèse de la non-influence humaine dans l’évolution de l’écosystème forestier. À l’époque, c’était peut-être + raisonnable, car nos connaissances de l’occupation du territoire avant la colonisation étaient moins avancées (personnellement, je n’en avais alors aucune). Nos connaissances ayant depuis beaucoup évolué dans ce domaine, il va de soi que nous devrions revoir ce qui pouvait alors apparaître comme une hypothèse raisonnable (et cela n’a jamais été autre chose qu’une hypothèse).

      Concernant vos interrogations plus spécifiques et sur mes inspirations dans mon comparatif « aménagiste vs écosystémique », c’est une combinaison d’une de mes toutes premières chroniques sur les bases de l’aménagement forestier et mes travaux de doctorat. L’animation de ce blogue depuis quelques années a aussi certainement contribué. 🙂

      Concernant ma thèse, je remontais justement le plus loin possible dans le temps et m’efforçais de comprendre la dynamique initiée par les coupes forestières à l’échelle du paysage. Des résultats de ma thèse ont servi dans le PAFI de la 43-52, mais seulement les chiffres qui cadraient dans la logique écosystémique. L’aspect « dynamique » que j’avais développé n’a pas été intégré dans la réflexion (note : cet aspect du PAFI avait été donné à contrat).

      Merci du commentaire 🙂 et cordiales salutations !

  2. Merci encore Éric pour cette autre excellente chronique! Je me permets de rapporter la discussion à notre contexte dans le Sud du Québec. Les forêts méridionales ont connu des siècles de perturbations anthropiques, dont la plus importante est sans aucun doute un changement de vocation temporaire (colonisation, défrichage et retour de la forêt). Cette perturbation est à l’origine directement de l’un de nos principaux enjeux écologiques : nos forêts sont jeunes, mais on s’y fait! Aussi, l’occupation humaine actuelle et future et les éléments permanents de fragmentation nous imposent un «réalisme écosystémique» tout autre que celui de la forêt boréale. L’aménagement forestier durable dans notre contexte passe d’abord et avant tout par la protection de la vocation forestière (cela peut paraître abstrait pour certains n’habitant pas le Sud…) et l’augmentation de la variabilité et la diversité de nos écosystèmes. Dans ce contexte, la «forêt naturelle» nous fournit des connaissances, notamment sur sa dynamique, que nous intégrons dans nos approches à long terme, qui s’ajoutent à toutes celles concernant notamment les changements climatiques. La forêt naturelle ne peut, dans notre contexte du Sud, être une fin en soi, mais les connaissances issues de son état doivent s’intégrer à nos outils d’aide à la décision. Dans ce contexte, sans tout chambarder, pourquoi ne pourrait-on simplement pas retenir cette définition de l’aménagement écosystémique : Un aménagement dynamique qui consiste à assurer le maintien de la biodiversité et la viabilité des écosystèmes (incluant leur résilience, notamment dans le contexte des changements climatiques et des perturbations naturelles), en s’inspirant notamment des connaissances sur la dynamique de la forêt naturelle? Malgré cela, le passé et le présent nous démontrent que ce ne serait pas si facile à appliquer (malgré votre nostalgie du dernier siècle), souvent pour des raisons économiques (et de nos visions trop souvent à court terme). Par exemple, on pourrait, dans le Québec méridional, être portés à vouloir intervenir plus sévèrement dans les forêts, même si la dynamique naturelle ne s’y prête pas nécessairement, afin de les rajeunir pour répondre aux besoins spécifiques de l’original en déclin (et pourtant, il est fort probable qu’il ne soit pas à sa place dans certains territoires du Sud, selon des biologistes), ou encore, l’aménagement adaptatif, s’inspirant de la dynamique naturelle des forêts, «semble» (sous toute réserve) relativement plus complexe à appliquer en cas d’épidémie, et ce, malgré les connaissances collectivement accumulées depuis des décennies : https://thewalrus.ca/la-tordeuse-attaque/ . Très complexe comme réflexion! Continue de nous alimenter.

    • Un mot-clé que tu utilises, mais qui est trop souvent absent aujourd’hui, surtout dans notre « réflexion » écosystémique, est le mot « dynamique ».

      Comme je le précisais dans ma réponse au précédent commentaire, mes travaux de doctorat ont servi à alimenter le PAFI de la 43-52, mais toute la dimension « dynamique » à laquelle j’avais réfléchi a été évacuée au profit d’une vision « statique » (il y a de la variabilité prise en compte, mais seulement sous l’angle préindustriel).

      L’histoire est importante. Mais, pour résumer, il faut être capable de s’y insérer et non pas la figer.

      Merci pour ton apport à la réflexion !… et heureux de voir qu’elle la stimule (c’est une des raisons d’exister de ce blogue 🙂 )